vendredi 9 septembre 2011

Chimpanzé 3

Le chimpanzé à l'instar des enfants qui essayent de copier les adultes, est un grand imitateur. Il accepte de bon gré les conseils et apprend facilement. Toujours occupé à quelque chose, il n’entreprend jamais rien sans être sûr de réussir et il reste maître de ses actions au point qu'elles semblent être le résultat d'une mûre réflexion. Il comprend ce qu'on lui dit et sait se faire comprendre, bien qu'il n'ait pas l'usage de la parole. Il lui suffit de peu de syllabes et d'une série de son très précis pour manifester avec une grande clarté ses désirs. Comme s'il sentait la supériorité intellectuelle de l'homme, il s'y soumet. Mais avec les autres animaux il agit comme s'il avait pleine conscience de sa supériorité, surtout à l'égard des autres singes. Il sait distinguer les enfants des adultes.

Poussé par une extraordinaire envie d'apprendre, il est capable d'interpréter logiquement les événements et de profiter de toute expérience nouvelle. Il est prudent, rusé et tenace dans ses désirs, mais non pas obstiné. Son humeur est changeante : gai et joyeux aujourd'hui, demain il peut être triste et irascible. Certaines compagnies l’amusent alors que d'autres l'ennuient et il aime la plaisanterie. L'expression de la dictée n'est pas chez le chimpanzé le sourire mais une expression hilare très significative. Il manifeste la douleur par des mimiques et des cris plaintifs faciles à comprendre et qui ont quelque chose d'humain. Il s'attache à ceux qui le traitent avec bienveillance et peut se montrer impoli avec les autres. Quand il est triste, il prend un air désespéré, se roule par terre, se frappe avec les mains et les pieds et s'arrache les poils. Évidemment, d'autres singes possèdent ces facultés, mais le chimpanzé s'exprime d'une façon claire, plus nuancée, presque humaine. En écrivant ces notes sur les principales qualités du chimpanzé je ne peux m'empêcher de penser à ce spécimen que je garderai longtemps. La pauvre bête était arrivée en Europe dans un état pitoyable. Malade physiquement et moralement, elle dut être soignée avec autant d'attention qu'un petit enfant. Mon vieil ami, Seider, excellent vétérinaire, s'en occupa. Il ne faut pas s'étonner qu’un chimpanzé s'attache à son gardien comme un enfant à sa mère. Le mien obéissait aveuglément à tous les ordres de Seider. Une fois guéri, il se montra gai et d'une activité inlassable. Quand il n'avait rien à faire, il battait la plante de ses pieds avec ses mains. Le chimpanzé, gauche et maladroit quand il marche, est très habile dans les autres mouvements. Il se déplace habituellement sur ses quatre membres en tenant le corps légèrement oblique, comme tous les singes anthropomorphes. Quand il transporte quelque chose, il se redresse dans une position presque verticale et, s'appuyant au sol d'une main, avance avec rapidité. Il ne marche sur ses deux jambes exceptionnellement. C'est en grimpant qu'il fait montre de plus d'agilité, en procédant dans ces escalades comme un homme plutôt que comme un animal. Il est extraordinaire dans tout exercice de gymnastique. S'accrochant aux branches avec ses bras, il se propulse par bonds très longs. Il saute également, mais seulement quand il est tout à fait sûr de réussir. Mon chimpanzé était capable de reconnaître mes amis et de se montrer gentil avec tous ceux qui étaient aimables avec lui. Il restait volontiers à la maison et il semblait heureux de circuler librement d’une pièce à l’autre, en se mêlant aux membres de la famille. Quand il comprenait qu’une de ses plaisanteries avait été bien acceptée, il battait joyeusement des mains et se montrait capable d’applaudir ) celles des autres. Très curieux par nature, il examinait minutieusement les objets les plus disparates : le poêle pour voir le feu, les caisses qu’il vidait de leur contenu pour jouer avec. Mais il agissait avec circonspection car il était très peureux au point qu’un ballon suffisait à l’effrayer. Il s’apercevait tout de suite que quelqu’un l’observait et, dans ce cas, il n’accomplissait que ce qui était autorisé. En revanche, quand il croyait ne pas être vu, il se laissait aller à quelque gaminerie. Si le gardien lui commandait de s’arrêter, il se montrait très obéissant. Il aimait recevoir des félicitations, surtout quand il exécutait ses exercices de gymnastique. Tout cadeau provoquait sa reconnaissance qu’il exprimait à la façon des enfants, par des baisers et des ambassades.

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