J’en eus l’explication le lendemain matin en constatant que quatre cercopithèques avaient disparu, sans même avoir cassé ni rongé les cordes avec lesquelles ails avaient été attachés. Les petits malins avaient réussi à défaire les nœuds en s’aidant mutuellement, mais ils avaient oublié le cinquième compère, placé à une certaine distance et qu’ils avaient donc abandonné à son sort d’esclave. Il s’agissait d’un mâle que je baptisais Coco. L’expérience lui avait tristement enseigné que les nœuds de la corde qui le liait avaient été trio savamment confectionnés et, de ce fait, que toute tentative de fuite était inutile. Philosophe, il se résigna cependant à son sort et, dès le lendemain, consentit à manger les quelques grains de sorgho qu’on lui offrait. Il lui arriva toutefois de se montrer agressif et violent, mordant tous ceux qui l’approchaient : visiblement, il souffrait du manque de compagnie. Sans doute pour tenter de se distraire, il commença bientôt à s’intéresser aux autres animaux de notre ménagerie et se lia même d’amitié avec un calao arraché à ses forêts natales. La gentillesse de cet oiseau l’avait probablement touché et leur amitié devint rapidement des plus solides. Mais, repris de temps à autre par des accès de mauvaise humeur, il arrivait encore à Coco de traiter son ami avec une violence inouïe. Ce dernier supportait les caprices du singe avec une patience inlassable. Libre de se déplacer à son gré, il s’approchait volontiers de son ami qui, dans ses bons jours, s’amusait à l’épouiller. L’oiseau s’habitua si bien à ce plaisir que, dès qu’il entrevoyait le quadrumane, il hérissait ses plumes en signe de bienvenue et ne protestait point si l’autre, en veine d’amusement, lui tirait le bec, les pattes ou le cou. Fidèlement planté à côté du cercopithèque, le calao recueillait les miettes que le singe laissait tomber et, de son propre chef, l’invitait souvent à jouer. Ils restèrent liés par cette grande affection plusieurs mois durant, même après notre arrivée à Khartoum. Malheureusement, le calao mourut. Coco resté, seul encore une fois, recommença à s’ennuyer.
Quelques temps après, il fit cependant la rencontre d’un petit singe orphelin et s’y attache. Fou de joie dès qu’il l’apercevait, il lui ouvrait tout grand les bras, l’autre ne maquait pas de s’y précipiter joyeusement. Coco serrait l’orphelin contre sa poitrine, le caressait avec tendresse et grommelait de satisfaction ; puis il s’appliquait à nettoyer le pelage de son protégé qui s’avérait des plus négligés. Sa colère ne manquait pas de se déclancher à l’encontre de tous ceux qui faisaient mine de vouloir le lui arracher. Quand il arrivait qu’on lui enlevât pour de bon, il tombait dans une tristesse profonde. En somme, il s’était découvert un enfant capable de répondre à son affection, car le petit singe lui manifestait une obéissance et un dévouement extraordinaire. Mais une fois encore, Coco joua de malchance. Son compagnon mourut au bout de quelques semaines ; Coco fut au comble du désespoir, jamais il ne m’a été donné de contempler une bête aussi affligée. Saisissant le corps dans ses bras, il se mit à le caresser avec amour puis le déposa dans son coin préféré. Constatant que l’animal demeurait muet et immobile, il poussa de déchirantes lamentations. »
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