Aux confins de la Champagne et de la Lorrains, à Domrémy près Vaucouleurs, une pauvre petite paysanne, Jeanne d'Arc, aimait la France et priait le bon Dieu de la sauver. C'était une douce et humble jeune fille, ne sachant ni lire ni écrire,jouant peu et pourtant aimée de ses compagnes, ne quittant sa mère que pour l'église ou les pauvres malades, sans autre science qu'un grand coeur.
Ce fut cette humble vierge que le patron des guerriers, l'archange Saint-Michel, s'adressa pour sauver la France. d'abord il lui dit d'être bonne et sage, premier pas vers les grandes choses; puis il raconta la pitié qui était au royaume de France : "Jeanne, lui dit-il, va au secours du roi, et tu lui rendra sa couronne.
- Messire, répondit Jeanne toute tremblante, pauvre fille, je ne saurais chevaucher ni conduire les hommes d'armes"
Mais l'archange promit l'aide de sainte Catherine et de sainte Marguerite, qui jadis avaient su vaincre la rage des bourreaux. En effet, les saintes martyres lui apparurent entourées d'anges et de lumière, et par leur douce voix encouragèrent ce coeur timide. Si durant cinq ans, elle lutta contre cette vocation céleste, elle s'en rendit de plus en plus digne...
Ce texte est extrait d'une Histoire de France publiée en 1882 et écrite par Emile Keller, député du Haut-Rhin! Devant une telle accumulation de bons sentiments, de mièvreries saint-sulpicienne et d'à peu-près biographiques qui chevauchent des à-prioris historiques, on a envie de crier : halte! Et ces quelques lignes ne sont que le début de l'épopée de Jeanne, toute rédigée de la même plume trempée dans le miel!
Pourquoi tourner ce texte en dérision? Parce qu’hélas, il est exemplaire de la façon dont, depuis plus d'un siècle et demi, on présente le "phénomène" Jeanne d'Arc! Et qu'il mérite mieux!
Jeanne d'Arc est un cas unique dans la vieille histoire de notre pays: une jeune fille mystique, se transformant, le temps d'une campagne, en chef de guerre victorieux, rétablissant un roi vacillant sur son trône, et, brûlée comme une sorcière, après un procès ignoble, abandonnée par ceux qui lui doivent leur honneur retrouvé.
Qu'il y ait eu, dans cet exceptionnel destin, une part de "magie" est indéniable. Mais on peut se poser des questions, quant à ses origines, quant à son entourage, quant à la définition de sa mission : était-elle humble bergère ou était-elle bâtarde de sang royal.
Cette dernière hypothèse, dus qu'elle est émise, a le pouvoir de faire bondir les "historiens orthodoxes", les tenants du miracle patriotique et des voix de l'au-delà dictant sa feuille de route à la bergère illettrée. Mais ce sont ces mêmes historiens qui exigent, pour confondre les détracteurs de leur très officielle et très sainte thèse, des preuves! Des preuves, les deux camps en ont peu. Ce sont les mêmes. Une légende écrite lors de sa réhabilitation, quelques chroniques... Ce que les historiens ne savaient pas de Jehanne, la bonne Lorraine qu'Anglois brûlèrent à Rouen (François Villon, Ballades des Dames du temps Jadis), ils l'ont imaginé et souvent, parce qu'il s'agissait d'un personnage fragile et émouvant, avec plus de sensibilité - voire de sensiblerie - que de bon sens.
Acharnons-nous donc sur Emile Keller et ses émules : Jeanne d'Arc, une pauvre petite paysanne...: faux! Elle était fille (en tout cas élevée comme telle) d'un notable! Elle aimait la France et priait le bon Dieu de la sauver... : il aurait fallu, à cette douce et humble jeune fille ne sachant ni lire ni écrire, de surcroît "citoyenne" lorraine d'un territoire sous domination bourguignonne, beaucoup de précocité et d'intuition politique pour choisir le camp des perdants d'alors, si d'ailleurs, le récit de leurs déboires et défaites parvenait jusqu'à Vaucouleurs ou Domrémy!
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