jeudi 15 septembre 2011

Histoire d'Indiens (9)

Après le confluent de la Yellowstone, ils entre au pays des Shoshoni et des ours géants. Le premier grizzli ne meurt qu’avec six balles dans le corps, sous les yeux effrayés des chasseurs. Bientôt, pics et falaises s’élèvent et barrent l’horizon comme les remparts d’une cité interdite. Face aux Rocheuses, les pionniers se sentent minuscules. Pins, sapins et cèdres remplacent chênes et peupliers. Les mouflons bighorns caracolent dans les falaises où logent aussi les aigles et les grizzlis. Devant une fourche de la rivière, on hésite. L’une indique le sud, l’autre le nord. Quelle branche conduit aux cols qui gouvernent le Pacifique ? En cas d’erreur, l’expédition échoue, car elle n’a qu’un été pour passer les cimes... Lewis et Clark se séparent pour reconnaître les deux chemins, puis s’accordent sur le sud. Le 13 juin, Lewis se retrouve, estomaqué, devant les Grandes chutes, où le Missouri se précipite de 25 mètres, dans un fracas de tonnerre. « Le reflet du soleil sur la poussière d’eau, écrit-il, produit un splendide arc-en-ciel. » Un aigle royal niche sur une falaise. Poursuivi par un ours, Lewis lui échappe en sautant dans le fleuve, puis il aperçoit un « tigre » : c’est un puma.




Les grandes chutes  sont le clou d’un enchaînement de cascades et de rapides infranchissables. Il faut sortir les canots de l’eau. C’est alors « le Grand Portage », nom sous lequel les Américains l’apprennent aujourd’hui à l’école. Dix-huit milles, 27 kilomètres d’escalade en vingt-cinq jours de peines surhumaines. Lestés de barils, caisses et ballots, tirant ou poussant des chars sommaires construits sur place, les hommes, capitaines compris, affrontent la caillasse coupante et les figuiers de Barbarie aux terribles épines, sans oublier les moustiques déchaînés. Mais on passe ! L’héroïque Sacajawea, épouse indienne de Charbonneau, vient d’avoir un fils, Pomp, et le porte dans un panier, sous l’œil attendri de tous... Désormais, l’obsession de Lewis et de Clark (malade, blessé à la cheville) est de trouver les Shoshoni, la tribu de Sacajawea : eux seuls pourront indiquer le Great Continentan Divide, la ligne de partage des eaux entre Atlantique et Pacifique, et la source de la rivière Columbia qu’il faudra dévaler... On compte aussi sur les chevaux Shoshoni pour avancer plus vite, éviter l’hivernage en montagne. Aux Trois Fourches, Sacajawea hésite. Quelle branche mère du Missouri choisir ? Lewis et Clark trouvent seuls la clef du passage. Vers l’ouest ? Pari gagné. L’Indienne pousse un cri en reconnaissant de loin Beaverhead Rock, le roc Tête de Castor où sa tribu transhume en été. Mais les cavaliers Shoshoni fuient et se cachent. Méfiants, ils craignent les voleurs de chevaux Pieds-Noirs et Minnitari.



En suivant leurs pistes, le 12 août 1805, Lewis et Mac Neal atteignent enfin « la source la plus lointaine du puissant Missouri ». Mac Neal exulte en mettant un pied de chaque côté du cours d’eau qu’ils ont remonté sur 2400 milles, pas loin de 4000 kilomètres !
 « On l’avait cru infini... » Lewis, lui, descend l’autre versant sur 4 milles, jusqu’à « une source pure et glacée » qui scintille. Le cœur battant, il voit l’eau qui coule vers l’ouest, la Colombia, le Pacifique. Mais les Shoshoni et leurs chevaux restent introuvables.  Enfin Sacajawea croise sur une piste une amie d’enfance qui la conduit au campement. Là, elle traduit les propos du chef des Shoshoni, puis tombe dans ses bras en pleurant. Elle a reconnu son frère Cameawhait ! Elle avait 11 ans quand elle fut enlevée par les Minnitari, elle en a 16. Heureux hasard, le camp se nommera Camp Fortunate.


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