Déjà, dans les temps anciens, le castor avait attiré l’attention des savants. Ils l’évoquèrent plusieurs fois sous le nom de « castor » ou « fiber » et racontèrent, à son sujet, beaucoup de légendes fantastiques. Aristote se borne à dire que, comme la Loutre, il appartient à ces quadrupèdes qui puisent leur nourriture dans les lacs et les fleuves. Pline affirme qu’il s’agit d’un animal très enclin à mordre, capable d’abattre des arbres en utilisant ses dents comme une hache et doté d’une queue semblable à celle des poissons. Olaf le Grand en fit une description désormais fameuse. Elle renferme toute une série de fables très étranges sur les capacités de construction du castor.
De nos jours, plusieurs savants considèrent que tous les castors appartiennent à la même espèce (Castor fiber) Ils distinguent, comme sous –espèce, le castor eurasien (Castor fiber fiber) et le castor américain (Castor fiber canadensis) D’autres spécialistes estiment que les différences, d’ailleurs faibles, qui existent entre ces deux sortes de castors, justifient qu’on les classe en deux espèces bien distinctes. Les particularités du castor américain ont trait à son museau plus courbé, à certaines caractéristiques crâniennes, à sa robe plus foncée. Mais, l’un comme l’autre, sont dotés d’habitudes similaires.
Le castor compte parmi les plus gros rongeurs. La longueur du mâle adulte varie entre 80 et 120 cm, sans compter 20 ou 30 cm pour la queue. Le castor européen ne dépasse pas 80 ou 90 cm. Sa hauteur, mesurée à l’épaule, ne dépasse pas 30 cm. Son poids va de 20 à 30 kg.
Son corps est trapu, robuste, beaucoup plus important dans sa partie postérieure. Sa tête est large par derrière. Elle est munie d’un museau court et arrondi. Les pattes, brèves et robustes, sont munies de 5 doigts. Ceux qui sont placés à l’arrière, sont reliés entre eux par une large membrane natatoire. La queue, ronde à sa base, s’aplatit et prend la forme d’une spatule ovale, large de 15 ou 20 cm environ. Les petites oreilles sont presque entièrement dissimulées par le pelage. Ce dernier est formé d’un duvet très épais et soyeux et de gros poils clairsemés, longs et raides. Ils sont d’un brun scintillant et mesurent environ 5 cm. La partie supérieure du corps est châtain foncé, avec des reflets grisâtres. La partie inférieure, plus claire, est d’un gris jaunâtre. De longs poils agrémentent la queue à sa base. Plus loin, elle est dénudée et couverte de minuscules écailles noirâtres. Mais, dans l’ensemble, la robe varie beaucoup suivant les individus. On peut rencontrer des castors qui tendent vers le noir, d’autres vers le gris ou même le blanc rougeâtre. Très rares sont les castors blancs et tachetés
Les incisives, grosses et robustes, dépassent beaucoup des mâchoires. Mâles et femelles possèdent deux glandes spéciales qui débouchent dans la région anale. Elles sont appelées
« sacs » ou « poches à huile ». Leurs paroisses internes secrètes le castoreum. C'est une substance brun rouge, brun jaune ou brun noir, dense et onctueuse. Son odeur est forte est pénétrante, son goût amer. On l'a employé comme remède jusqu'au début du XXe siècle.
Le Castor fiber vit actuellement en Allemagne, en Pologne et en Russie. Quelques spécimens subsistent dans la région du Rhône et de ses affluents. C'est l'homme qui l'a introduit dans la péninsule scandinave, où il prospère, et dans le lac de Genève. Il s'est en outre répandu en Sibérie et dans la Mongolie septentrionale. Le castor américain habite une grande partie de l'Amérique du Nord et spécialement au Canada où des destructions massives ont menacé la survie de l'espèce, mais il est désormais protégé.
Ce rongeur vit presque toujours par couple, dans des régions boisées, proche de l'eau. Il forme des colonies assez nombreuses de familles rassemblées dans les lieux tranquilles et solitaires.
L'activité constructive du castor dépend de la nature du terrain, du plan d'eau mise à sa disposition et de la végétation environnante. On peut ajouter une sorte de tradition constructive propre à chaque espèce locale.
Le Castor fiber d'Europe et de Sibérie construit des abris enterrés sur les berges. La galerie d'accès débouche sous l'eau et est en partie envahie par elle. Il peut en exister plusieurs. Toutes mènent à une première chambre qui joue le rôle de ses tribus, où le castor se débarrasse de l'eau qui imprègne sa fourrure. Au vestibule fait suite la chambre d’habitation en position surélevée, où vit la famille. Une ouverture pratiquée dans le plafond assure une ventilation suffisante. L’ensemble est recouvert de branchages enchevêtrés qui masque l’ouverture de la cheminée d’aération et les issues des galeries d’accès. Ce tas de branches appelé « fagotière », n’est pas cimenté par de la boue. Il semble protéger le terrier des prédateurs et dirige l ‘écoulement de l’eau de pluie hors de l’habitation. Cette structure de terrier convient aux berges solides et surélevées par rapport au niveau de l’eau.
La construction la plus remarquable du castor est la hutte, toujours bâtie dans une eau pure, sur une élévation de terrain. Elles sont faites de bûches et de branches, cimentées de limon, que les castors plaquent avec leurs pattes arrière. Une ou plusieurs galeries d’accès débouchent sous l’eau. Es huttes, qui forment de véritables « villages », comprennent une antichambre de séchage, une chambre d’habitation que le castor surélève lorsque le niveau de l’eau monte. Lorsqu’il y a crue et que l’eau envahit la chambre d’habitation, le castor aménage un abri provisoire sur le toit de sa hutte. L’aspect extérieur de ces huttes est celui d’une demi sphère hérissée de brindilles. Les parois ont une épaisseur moyenne de 30 cm Le sommet de la hutte est en général à 1m au-dessus de l’eau, mais cette hauteur est variable car les générations successives de castors déposent es déchets sur le sol de la chambre d’habitation ce qui nécessite d’en rehausser périodiquement le toit. Le diamètre est variable, pour les mêmes raisons, et en moyenne de 2,50m
Ces huttes conservent la chaleur, grâce à la toiture isolante, et la température y est à peu près constante. La neige, accumulée sur le toit fait monter la température ; de même un nombre d’occupants trop élévé, ce qui est assez fréquent car 3 générations de castors cohabitent en permanence, soit 14 individus. C’est pourquoi au bout de 2 ans de vie familiale, les petits sont obligés d’émigrer. Le territoire autour des huttes est délimité par des traces odorantes de castoreum, régulièrement renouvelées. Outre les huttes, les « villages » de castors comprennent en général des ouvrages collectifs ; ce sont les digues qui barrent les cours d’eau, les lacs et les étangs. Ces digues régulariseraient le niveau de l’eau, afin de maintenir l’entrée des galeries immergées. Placées en principe en aval des huttes, elles sont formées de troncs d’arbres, maintenus au fond de l’eau pat des pierres et de la terre, et de branches disposées par-dessus, dans un enchevêtrement compliqué. Certaines atteignent de grandes dimensions, 5 à 600 mètres de long et plusieurs mètres de hauteur. Elles sont constamment entretenues par les castors. Leur nécessité n’est pas toujours évidente lorsqu’elles sont construite dans un plan d’eau dont le niveau ne varie pas, comme les étangs par exemple. Ce qui conduit à penser que le castor n’a pas une conception rationnelle de son activité, que celle-ci, débordante, est due à une cause physiologique qui le pousse à accomplir un travail souvent gratuit. Dans les forêts que l’homme ne fréquente pas, on trouve encore de très anciens terriers. Agassiz, en examinant une digue qu’il avait découverte, remarqua que les troncs et les branches qui la constituaient étaient recouverts d’une couche de tourbe de 3m d’épaisseur. Il en conclut que cette digue avait été construite au moins 900 ans auparavant. Il note aussi, qu’en Amérique, les constructions des castors ont considérablement modifié la physionomie de la région où elles se trouvent ; les figues peuvent transformer en une chaîne de larges étangs des ruisseaux qui coulaient tranquillement à travers la forêt. Et les castors, en abattant de grandes quantités d’arbres, créent des clairières artificielles à proximité de ces étendues d’eau. Elles sont appelées « prairies des castors » et peuvent s’étendre sur plus de 100 hectares
Les castors, de nature extrêmement prudente, s’aventurent hors de leurs terriers la nuit de préférence. Peu après le coucher du soleil, ils sortent de leurs galeries, poussent un sifflement aigu et se jettent bruyamment à l’eau ? ils nagent un moment auprès de leurs huttes, puis, si aucun danger ne les menace, ils s’engagent sur la terre ferme, où ils restent le moins possible, uniquement pour chercher leur nourriture et le matériau de construction de leurs terriers.
Les castors sont végétariens, et l’essentiel de leur nourriture est l’écorce d’arbre. Ils sont si habiles pour dépouiller les troncs d’arbres que ceux-ci ne portent même pas la trace de leurs dents. Les incisives des castors sont de véritables « ciseaux à froid » ; douées d’une solidité exceptionnelle, elles font saillie sur la mâchoire et peuvent continuer leur travail lorsque la bouche est fermée. Grâce à leur puissante denture, les castors peuvent abattre des arbres de grande taille et de fort diamètre. Ils les rongent d’abord circulairement, puis agrandissent l’entaille en calculant la chute de l’arbre dans la direction la plus favorable pour son transport. L’arbre abattu est dépouillé de ses branches, le tronc découpé en rondins destinés à la construction. Les branches sont utilisées pour les « fagotières ». Les tiges et les rameaux comestibles sont transportés sous l’eau et stockés pour les périodes de grand froid. Le castor choisit de préférence les saules, les peupliers, les frênes et les bouleaux qui poussent en général aux abords des points d’eau. La morphologie du castor est adaptée aux ouvrages gigantesques qu’il accomplit. C’est avec ses pattes antérieures qu’il amasse la terre et la boue dont il cimente les parois de son terrier. Ce sont de véritables instruments de travail. Mais contrairement à ce que l’on pensait, sa queue plate et écailleuse ne lui sert pas de truelle. Elle l’aide seulement à nager et sert, en frappant l’eau, à donner l’alerte en cas de danger.
Le castor peut se tenir debout en s’appuyant sur sa queue et sur ses pattes postérieures. Pour marcher, il avance lentement une patte après l’autre, mais son ventre, qui frôle le sol, lui interdit tout mouvement rapide. Dans l’eau, ses pattes postérieures, qui sont palmées, lui servent à se propulser, la queue étant utilisée comme gouvernail. Mais les pattes de devant, dont la souplesse les rend précieuses sur terre pour le travail de construction des terriers et des barrages, ne jouent aucun rôle dans l’eau. Bien que les oreilles et les narines du castor soient pourvues de « valvules » qui se ferment lorsque l’animal est en plongée, il ne peut rester que quelques minutes sous l’eau, il lui faut faire souvent surface pour reprendre son souffle.
Le cri de ce rongeur, faible et rauque, ressemble à un gémissement. Seules sa force et sa modulation indiquent les diverses émotions qu’il ressent. L’ouïe et l’odorat sont développés. Les castors, grâce à leur grande acuité visuelle, peuvent englober dans leur champ d’observation non seulement leur demeure, mais la région environnante. En plus des qualités intellectuelles que révèlent leurs constructions ingénieuses, les castors savent prévoir les changements atmosphériques, et y adapter leur mode de vie ; même si le temps est encore beau, ils peuvent mettre fin à leur période d'oisiveté, située en général en été et au début de l'automne, et se préoccuper de l'aménagement de leur résidence d'hiver, où ils affronteront bien au chaud les averses, l'orage et le gel. En plongeant sous la glace, ils trouveront les provisions de bois qu'ils ont eu soin d'accumuler avant cette saison et qu’ils ont amassé au fond de l'eau.
Les castors sont monogames et forment des couples durables. Les jeunes cohabitent avec les parents jusqu'à leur puberté. La saison des amours et variables selon la région où vivent ses animaux, mais dans l'ensemble, le rut se produit l'hiver. Mâles et femelles sont affectueux entre eux. La gestation dure plusieurs semaines. La naissance a toujours lieu dans la hutte. Les nouveau-nés sont aveugles mais poilus ; leur nombre varie de un à six. La femelle allaite ses petits pendant un mois environ, à l'aide de ses mamelles pectorales et c'est à l'âge de deux ans environ que les jeunes castors quittent leurs parents pour aller fonder leur propre famille.
En captivité les castors ne se montrent pas très sociables, mais ils semblent tolérer la présence de l'homme et acceptent même ses caresses. Capturés jeunes, ils peuvent devenir tout à fait domestiques. Ils s'habituent facilement à manger du pain, des carottes et des fruits dont ils se montrent tout particulièrement friands. L’aire de distribution des castors s'est considérablement réduite. Autrefois ils étaient très répandus dans une grande partie de l'Europe et dans toute la moitié septentrionale de l'Amérique du Nord. Au XVIIe siècle, on découvrit la valeur de la fourrure de ces animaux et ce fut un massacre tel que l'on ne dut y mettre un terme pour éviter la disparition complète de l'espèce. Des mesures de protection sévères furent édictées et le castor américain envahi de nouveau des territoires boisés et marécageux où il avait été anéanti. Il vit actuellement dans les réserves et les parcs nationaux, principalement au Canada.
En Europe, la disparition du castor est plus grave. On a de nombreuses preuves de son ancienne extension : les ossements retrouvés dans les lits des fleuves, la littérature ou de nombreux auteurs parlent du castor comme d'un animal familier jusqu'au XVIIIe siècle et enfin la toponymie. Le nom ancien du castor, « bièvre » se retrouve dans ceux d'un très grand nombre de localités ou de rivières. En Angleterre, Beverley par exemple. Dans la région du Rhin, Bibiche et Biberkich ; en France : Beuvry, Beuvron, etc. L'ancienne rivière des Gobelins s'appelait bièvre à cause des castors qui vivaient autrefois sur ses rives.
C'est à partir du XVIIIe siècle, que le castor commence à se raréfier et le massacre durera jusqu'à la fin du XIXe siècle. Car malgré l'extrême méfiance dont fait preuve de cet animal, l'organisation des colonies qui installent des « sentinelles » aux abords du territoire pour signaler, à coups de queue, l'approche de l'ennemi, le castor et le gibier facile, recherché pour sa chair, apprécié au XVIIIe siècle, le castoreum utilisé autrefois en pharmacie, et surtout sa belle fourrure serrée, les chairs et de couleurs variées. Toujours utilisé en pelleteries, elle ne l'est plus dans la confection des chapeaux de feutre, passés de mode.
Actuellement, les castors n'existent plus en France, que dans le bas Rhône.
On étudie leur réintroduction en Bretagne, dans le parc racers d'Armorique. Il faut noter à ce sujet que le castor d'Europe est capable dans des conditions artificielles favorables, de retrouver l'instinct constructeur de ses ancêtres.
Indiquons pour finir, la légende qui expliquerait l'origine du nom du castor : on a pris longtemps les glandes qui secrètent le castoreum pour les testicules de l'animal que celui-ci couperait lui-même, lorsqu'il est poursuivi, dans l'espoir d'arrêter les chasseurs. Le nom de castor ou animal castré, s'est substitué au XVIe siècle à celui de bièvre.
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