jeudi 15 septembre 2011

Histoire d'Indiens (7)

 Le 18 septembre, la flottille double la passe des Sioux à Trois Rivières, puis traîne sur le Grand Détour où le Missouri change deux fois de sens. Elle irait bien plus vite à pied, mais le but n’est-il pas d’ouvrir la voie aux futurs vaisseaux marchands ? Près d’un village français sur la Teton River, les Sioux Teton verrouillent le fleuve, au carrefour des plaines et du haut Missouri. Ils sont les maîtres du passage. Le 25 septembre, la rencontre tourne au vinaigre. Un chef sioux éméché, nommé le Partisan, méprise la pacotille étalée à ses pieds. Il exige un tribut substantiel. Les Américains empoignent leurs fusils, les Indiens bandent leurs arcs. La violence est à deux doigts de se déchaîner. Mais l’incident s’apaise dans la fumée du calumet, devant une danse de femmes.
Les jours suivants coulent dans une atmosphère de suspicion et de fascination. Les capitaines mangent du chien avec délices et refusent les femmes qu’on leur offre. Les hommes de troupe ne sont pas aussi chastes. Et York, le géant serviteur noir de Clark, est harcelé par des squaws entichées de sa peau d’ébène. Lewis et Clark noircissent leurs carnets de textes et de croquis. Armes, costumes, croyances, magies, tout les passionne, mais ils redoutent un coup fourré des Indiens. Le 29 septembre, ils passent en force en souquant ferme sur le fleuve. Premières gelées blanches. Bise du nord. Oies et canards filent par millions vers le sud. C’est l’automne. La rivière Cheyenne borde le territoire des Indiens homonymes, qui jouxte celui des Arikara. Empreintes de grizzlis. Les trappeurs français Jean Vallée et Joseph Gravelines passent leur temps chez les indigènes et parlent leur langue. Sous le tipi, les Blancs distribuent les cadeaux. Les Arikara, notre Clark, « non seulement n’aiment pas le whisky, mais l’ont refusé en remarquant de façon très sensée qu’ils étaient surpris qu’on leur offre une boisson qui ferait d’eux des fous. »
Bientôt, Clark met par écrit son Grand Plan indien. Il consiste à nouer  de grandes alliances entre les tribus sédentaires (Mandan, Hidasta, Arikara) face aux nomades racketteurs, tels les Teton et les Assiniboin.
Car ces tribus s’entretuent et se pillent sans répit, ce qui nuit au négoce moderne. En fait, la guerre masque un subtil va-et-vient d’échanges et de rapports de force, où les uns tiennent le maïs, d’autres les bisons, le transport, les fusils, les chevaux. Mais avec leurs gros souliers, sous prétexte de contrôler le commerce, les voyageurs ne parviendront qu’à semer la zizanie dans une danse de mocassins légers comme le vent. Ils remontent la rivière dans l’or et la pourpre des forêts. La neige tombe dès le 21 octobre. L’hiver 1804-1805 sera rude. La troupe le passe au pays des Mandan. 







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