jeudi 15 septembre 2011

Histoire d'Indiens (6)

Le 23 mai, le bateau vogue donc sur le Missouri, aux berges sauvages, aussi dangereuses que sublimes. Bancs de sable, courant, tourbillons, des troncs d’arbres à la dérive menaçant d’éventrer la coque... Au lieu-dit La Taverne, Lewis escalade une falaise et dévisse près du sommet. Il ne sauve sa vie qu’en plantant son couteau dans une fissure. S’annoncent des rapides que le bateau doit franchir. Au Champ de course du diable, il échappe de justesse au naufrage. Lewis et Clark n’en continuent pas moins leur travail scientifique. Leur collecte jettera les bases de la future puissance agricole, commerciale et industrielle. Lewis explore les rives, en décrit la forme, la géologie et les minerais. Il goûte l’alun, le charbon, le fer et le cobalt, s’intoxique à l’arsenic, nomme les plantes et les bêtes. Cent soixante-dix végétaux et plus de cent vingt animaux seront ainsi inventoriés. De son côté, Clark pilote le bateau, note les virages sur son compas et cartographie la contrée avec une précision confondante. Navigation, Travaux savants, feux de camps, nuits d’étoiles ou de pluie, de brise parfumée ou d’orage brutal. Rien ne se compare à la splendeur vierge de cet infini nord-américain. Etendues marécageuses, prairies plus vertes que l’espérance de la Bible, collines d’émeraudes où paissent les bisons et les daims, où chassent les ours et les loups... Aux bouches de la rivière Osage, vivent les Indiens du même nom, qui croient que les hommes sont nés d’un escargot marié à une femelle castor... Ces Indiens chassent, cueillent et cultivent cette immensité depuis des millénaires. Ils descendent la rivière en canoë, pour vendre leurs fourrures aux blancs, français pour la plupart, qui suivent depuis un siècle les traces de Cavelier de La Salle. Lewis et Clark rencontrent aussi les Pawnee et les Omaha. En chemin, ils interrogent les Français sur les mœurs des Mandan et autres Sioux, en amont. Régis Loisel et Pierre Durion écument le haut Missouri depuis les années 1790. A la lueur des feux de camp, les explorateurs notent leurs récits à la plume. Les méandres succèdent aux rapides. Croisant des troupeaux de dix mille bisons, les chasseurs Georges Drouillard et John Shields, nourrissent leurs compagnons sans peine. Quarante-cinq hommes, à repaître sans légumes, c’est chaque jour, un bison ou quatre daims ou deux cerfs ou encore un ours... Rivière Petite Bonne Femme, Little Manitou Creek, Sand Creek, rivière Saline, rivière Grande Bonne Felle, Mine River, Arrow Creek, Rivière des Charretiers... les noms chantent, en français ou en anglais. Purs plaisirs de la découverte où l’on baptise rivières, contrées et espèces. Lewis et Clark s’enivrent de curiosité, mais le prix en est souvent élevé. « 17 juin : la troupe souffre beaucoup de furoncles e plusieurs d’entre nous ont la dysenterie, note le journal de Clark. Tiques et moustiques sont des plus gênants » Leurs piqures, la nuit, font hurler le chien de Clark.

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