lundi 29 août 2011

Histoire des Bourguignons 3


III

Un nouveau traité vint rétablir la bonne harmonie entre les rois de la France et la Bourgogne. L’entrevue des deux chefs eut lieu près d’Amboise, dans une île de la Loire. L’ambition de Clovis fut enchaînée par des serments et des promesses, puis ils mangèrent et burent ensemble ; le Bourguignon prit la barbe de Clovis entre ses mains, croyant ainsi devenir son père adoptif, d’après les modes des peuplades germaniques (1)
Dès que Gondebaud eut réuni toutes les provinces de la Bourgogne sous son autorité, par la mort de Godegisèle, de tyrans et de roi cruel qu'il avait paru jusqu'alors, il devint un prince sage et humain, et ne s'occupera plus que des moyens de faire jouir sa nation d'une paix durable et florissante.
Il était arien, quoi que beaucoup de ces sujets fussent catholiques ; mais il ne fut point intolérant en matière de religion, et ne mérite point les calomnies que lui ont adressées certains historiens. Non seulement il  laissait la liberté de culte à son fils Sigismond qui était catholique, mais encore il recherche la société de Saint Avitus, évêque de Vienne. Plusieurs fois il réunit dans son palais les évêques des deux religions, afin d'écouter leurs controverses. On prétend même qu'il voulut abjurer l'arianisme ; mais l'évêque Sacerdos exigea de lui une confession publique, en lui citant ces paroles de l'Évangile : « Celui qui me niera devant les hommes, je le nierai aussi devant mon père céleste. » Le roi ne voulut pas d'abjuration publique et demeurera à rien (2).
Ce prince se montra l'ami des sciences et des lettres, il les protégea autant qu'un barbare le pouvait. Ayant appris que son allié Théodoric avec des machines qui marquaient les soeurs, il pria de lui en envoyer. Aussitôt Théodoric fit confectionner de ces horloges par le savant Boëce, et les envoya au roi de Bourgogne : ce furent sans doute les premières qui parurent en France (3)
Gondebaud en paix avec ses voisins, respecté de ses sujets et puissants par ces provinces, portant à tous les soins vers la civilisation de ses sujets. Son royaume se composait de la Bourgogne proprement dite, du Nivernais, du département de la Haute-Marne, de la Franche-Comté, d'une partie de la Suisse et du Dauphiné. Les limites du Nord, étaient les diocèses de Langres, de Lure, de Besançon, d’Avenches, près du lac de Neuchâtel, les sources de l’Aar et de la Reuss, et tout le Valais. À l'est et au sud, il comprenait les villes de Grenoble, Gap, Embrun, Sisteron, Avignon et Apt ; à l'ouest, la ligne des Cévennes et du Mézinc, Montbrison, l'Allier jusqu'à Nevers, Avallon et Sémur. On n'y comptait 25 évêchés. Dès que les Bourguignons furent maîtres du pays qu'ils avaient occupé, ils s'adonnèrent surtout à l'agriculture et à l'éducation des troupeaux, en délaissant le soin des armes : aussi furent-ils inférieurs aux Francs dans toutes les luttes qu'ils eurent à soutenir contre ces derniers.
Gondebaud publia ses lois à Lyon, le 29 mars 501. Un supplément fut ensuite donné à
 Ambérieux, en Bugey.
Ces lois forment un code qui contient 142 articles de droit civil, 30 de procédure et 182 de droit pénal. Le Romain et le Bourguignon y sont tous deux traités sur le pied de l'égalité parfaite, à d'opérer une fusion plus facile (4)



1-Le Huërou
2-D. Bouquet
3-Ménétrier
4-Guizot.- Sismondi


On voit partout que le législateur parle en maître à tous ses sujets, grands ou petits, riches
ou pauvres, évêques ou guerriers. La législation de Gondebaud subsista longtemps en
Bourgogne, même après la prise du pays par les francs ; ce fut Louis Ier qu'il l’abrogea.
Dans les villes, un comte, comes, était chargé du soin de rendre la justice. Il lui était expressément
 interdit de recevoir aucun présent ; loi sage qui prévenait la corruption. Dans chaque tribunal,
 lui il y avait un juge bourguignon et un juge romain. Pour les testaments, on suivait la coutume
 qu'il convenait aux parties. Les sentences se rendaient toujours en langue latine (1).
Les curiales subsistèrent toujours avec les principales fonctions que les Romains leur avaient
confiées. C'était une administration fort commode pour les rois barbares, qu'ils n'eurent de
 gardes abolir, elle persista même sous les rois Francs.
Les juifs étaient les seuls qui eussent à se plaindre de la législation des bourguignons ; mais il
n'était pas mieux traité par les autres peuples qui leur faisaient endurer toutes sortes de mauvais traitements. 
Mais il n'était pas mieux traité par les autres peuples qu'il leur faisait endurer toutes
sortes de mauvais traitements. Ainsi, tout juif qui aurait porté la main sur un chrétien, qu'il
l'aurait frappé du pied, d’un bâton ou d'une pierre, sera condamné à avoir le poing coupé. S'il
veut racheter sa main, il paiera 75 sous d’or et 12 autres pour le fisc. Fixé sur un prêtre sur qui
 il a porté ses mains, il sera condamné à mort. Ils étaient aussi assujettis à payer des sommes
plus fortes que les autres ; mais le gain qu'ils faisaient dans les villes commerçantes leur faisait
 oublier toutes les persécutions.
L'homme libre se distinguait de l'esclave par sa longue chevelure. Quand on voulait affranchir
un de ces malheureux, on le faisait par écrit ou de vive voix devant sept témoins (2).
Le mari a acheté sa femme par une dote en argent, et la femme son mari. La femme de qualité
 était payée 300 sous. Le refus du père n'annulait pas le mariage, mais il donnait lieu à une
amende. En aucun cas la femme était admise à demander le divorce ; elle était punie de mort
 si elle abandonnait son mari (3).   Les enfants avaient une égale portion dans l'étage de leur
 père. Les voleurs avec effraction étaient mis à mort (4). L'assassin était puni de mort, quelle
 que fût la personne qu'il avait tuée, pourvu qu'elle soit libre. Le meurtre des esclaves se payait
 selon leur importance, depuis 30 sous jusqu'à 150.
Les blessures sur des personnes se rachetaient aussi par des amendes, de même que les injures
faites aux femmes. Celui qui cassait un bras ou une jambe, payait 15 sous d’or aux blessés et
six pour l'amende au fisc. Le wergeld était admis pour tous les délits et crimes (5).
Le vol des chevaux et débuts était puni de mort. Celui qui dérobait une brebis, un port, une chèvre,
 payait trois fois la valeur de  l'animal t volé ; et si le vol avait lieu avec violence, il payait
neuf fois sa valeur ; si c'était un esclave qui faisait le crime, il recevait 300 coups de bâton ;
et, de plus, son maître était responsable du larcin. L'esclave qui frappait un homme libre
recevait 100 coups de bâton. Les esclaves, aux termes de la loi, appartenaient en tout à leurs
maîtres qui pouvaient disposer selon leur bon plaisir ; il leur était enjoint seulement de ne
pas les tuer.
Le ravisseur d'une jeune fille était condamné à payer six fois le prix de sa dot. S'il n'avait pas
de quoi se racheter, il était livré aux parents pour être traité selon leur bon plaisir. L'homme
 libre qui fait violence à une esclave paye à son maître 12 sous ; s'il est esclave il reçoit 150
 coups.
Le divorce est  accordé à la demande du mari, pour les crimes d’adultère, de maléfice, et
pour la violation des tombeaux.




1 Sismondi.- Raynouard, Droit municipal.
2 Lex Burgundionum
2 Chorier
4 Lex Burgundionum
5 Emile Ruelle. Hist. Du Moyen Age, page 93 tome 

Lorsque le juge était embarrassé pour discerner la justice d’une cause, il ordonnait le jugement de Dieu, c’est-à-dire le combat (1). Les deux parties en venaient aux mains,
 les nobles avec l'épée et le bouclier, les gens du peuple avec le bâton ; le vainqueur
et s'est proclamé innocent. Les femmes et les enfants se purgeaient par le ministère de champion, et ce champion lui-même s'il était vaincu, outre qu'il faisait perdre celui
 pour qui il combattait, avait de plus le poing coupé, comme coupable de faux serment, puisque avant d'en venir aux mains, il prenait de Dieu à témoin de la justice de sa cause.
Les esclaves étaient appliquées à la torture pour être forcé à dévoiler les coupables ou à s'accuser eux-mêmes. On pouvait encore se disculper d'un crime par serment et en
 produisant un certain nombre de témoins ; mais le faux témoin payant trois cents
sous d’or.
Le fils unique, à la mort de son père, devait laisser la troisième partie de son bien à sa
 mère, si toutefois elle n’avait pas pris un second mari.
Toutes ces lois annoncent de grandes vues de la part de Gondebaud ; elles sont, sans
 contredit, les plus parfaites de toutes celles des barbares. En tout, le Romain est l’égal
 du Bourguignon ; la morale est sévèrement gardée. L’esclave est peu favorablement
 traité, mais il ne faut pas s’en étonner, chez tous les peuples il était assimilé à la
brute. On trouve cependant dans ce code des lois qui se ressentent de la barbarie
des temps ; ainsi la torture était admise ; l'enfant ou la femme connaissant le vol
commis par son père  ou par son mari devait le dénoncer, sous peine de complicité.
Mais en compensation, nous trouvons une loi charitable qui permet à l'indigent d'aller
dans la forêt prendre le bois qui lui est nécessaire, nous voyons une généreuse hospitalité offerte à l'étranger et aux voyageurs ; la loi condamnait à une forte amende celui qui la refusait.
La distinction des personnes commença à devenir tout à fait tranchée vers la fin du
 règne de Gondebaud. Au moment de l'invasion du territoire, il n'existait pas de noblesse proprement dite. Il y avait bien des hommes dont les ancêtres s'étaient distingués
 soient en temps de paix, soit sur les champs de bataille ; mais leurs grandes actions
leur étaient toutes personnelles, et leur fils ne conquérait noblesse que s'il se distinguait
 à leur tour. Quand le partage des terres fut opéré, il en fut différemment (2) : le grand propriétaire bourguignon et des uns et choisis du prince ; sa grande propriété fut la récompense d'avoir bien servi le chef. En transmettant son domaine et se perd à son
fils, il lui transmit sa noblesse qui alors ne consistait guère que dans de grands biens
. Ceux-là et c'est vrai, que le noble bourguignon ruiné retombait dans la foule. Sous
le règne de Gondebaud, les hommes libres furent divisés en trois classes, et le législateur établit une différence dans l'évaluation à prix d'argent de leur vie. Cette distinction était d'abord toutes personnelles ; elle devint héréditaire avec la transmission des fiefs, mais
 elle cessait toutes les fois que l'homme descendait dans une classe inférieure.
Gondebaud et son père Gondioc avaient accordé des bénéfices ou des domaines
 incertains guerriers ; ces domaines et des prix sur ce que l'on avait assigné au prince
 soutenir sa dignité ; ils furent révocables d'abord, ensuite à vie, et enfin transmissibles;
de là naquirent les grandes propriétés, les grands fiefs héréditaires et les grands noms.
Ce qui cet effet en Bourgogne s'était aussi accompli chez les Francs et dans toute
 l'Europe, et il est vrai de dire que la féodalité se forma avec la conquête.





1 Emile Ruelle, hist. du Moyen Age, tom 1, page 95
2 Henry Allam, l’Europe au Moyen Age





Si tous ignoraient le latin lorsqu'ils envahirent le territoire et finir par en faire un jargon harmonisé 
avec leur prononciation. Ce patois devait varier avec les villes et ne produisit aucune littérature, 
pas même des chansons populaires. Car tous les écrivains, tous les poètes composaient en latin 
qui est compris par la population indigène ; il dédaignait un idiome qui n'aurait pas fait comprendre
 leurs écrits d'une ville à l'autre (1)



1 Sismondi, Littérature du midi de l’Europe


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