lundi 29 août 2011

Histoire des Bourguignons 2


Peu de temps après l’établissement des Burgondes dans la Franche-Comté et dans la Bourgogne, les habitants de Lyon et les Gallo-Romains de la province, furent blessés de la déposition de l’empereur Avitus, qu’ils avaient reconnu ; ils ne voulurent pas proclamer Majorin. Le chef de cette faction était un certain Poeonius, aidé par les jeunes gens nobles qu’avait soulevés Sidoine Apollinaire. Cette faction avait son foyer à Lyon et avait choisi pour empereur Marcellin, personnage distingué par ses talents guerriers et par son savoir (1). Mais ses lenteurs donnèrent gain de cause au parti de Majorin, qui vint assiéger Lyon rebelle, la prit de force, la dépouilla de ses avantages, et se serait laissé emporter à des violences funestes pour la ville si Sidoine Apollinaire ne s’était empressé de faire le panégyrique de Majorin. Ses flatteries parvinrent à fléchir la colère de l’empereur et conservèrent à sa ville natale ses anciens privilèges.
Majorin avait repris Lyon sur les habitants soutenus par les Bourguignons ; mais, l’an 469, un autre empereur, Anthémius, voulant se rendre favorables les Burgondes, leur fit cession de Lyon (2), de Vienne et du Vivarais. Il augmenta leurs possessions de toutes les terres situées jusqu’à la Durance à la condition qu’ils joindraient leurs troupes aux siennes et le reconnaîtraient pour empereur d’Occident. Cette seconde acquisition se fit par un traité réciproque avec l’empire, et non par droit de la guerre. L’empereur céda ses droits sur ce pays, en s’en réservant la suzeraineté. Au reste, l’établissement dans le Lyonnais et le Dauphiné, se fit comme précédemment, c’est-à-dire que les Burgondes prirent les deux tiers des terres et le tiers des esclaves. Les onéreux impôts romains furent abolis et les peuples s’estimèrent heureux de ce changement.
A la nouvelle de ces établissement dans la Gaulen un grand nombre de Burgondes arrivèrent des bords de l’Elbe et de l’Oder avec leur familles, pour profiter des terres de cette fertile contrée. Ces nouveaux venus furent nommés Faramanni ; ils n’obtinrent que la moitié du partage et se formèrent en bourgades séparées. Le village de Faraman, près de Meximieux, et plusieurs autres localités retinrent leur nom.
Gondioc exerça une autorité absolue comme chef et roi de tous ces pays. Il s’attacha par le don de certaines terres, avec le nom de fiefs, les plus vaillants guerriers.(3). Les deux peuples vécurent dans une grande harmonie et une mutuelle confiance, les deux races étaient également protégées par le roi, de sorte que la fusion se fit rapidement, les deux peuples n’en firent plus qu’un seul, et furent connus sous le nom de Bourguignons. Bien plus, le peuple envahisseur embrassa la langue et les usages du peuple conquis. L’an 470, Ricimer, l’arbitre de l’empire, donna sa sœur en mariage à Gondioc et facilita les empiétements de son beau-frère.
Gondioc mourut paisiblement en 474, après avoir régné avec gloire et avoir formé un royaume considérable qu’il transmit à ses enfants. Il avait épousé Carétène dont il eut quatre fils, entre lesquels il partagea ses Etats.



1-Fauriel, Hist. De la Gaule méridionale
2-D. Vaisselle.- Tillemond.
3-Gingins


L’aîné, Gondebaud, eut le pays situé sur la rive gauche du Rhône, depuis Genève jusqu’à Arles et le pays des Alpes Cottiennes ; Chilpéric obtient les pays qui formèrentplsu tard le Beaujolais, le Forez et le Lyonnais, avec une portion d el’Auvergne ; il se fixa à Lyon ; Godegisèle eut toute la partie située entre Genève et Dijon ; Godemard se fixa à Besançon et posséda tout le Nord. (1)
L’hérésie commença à infester ces provinces dans la personne des Burgondes, qui entretenaient des rapports avec les Visigoths du midi de la Gaule, leurs voisins ariens. Néanmoins, la liberté de conscience était entière chez les sujets des rois Bourguignons ; un partie même de la famille royale était arienne et l’autre orthodoxe ; le peuple, à l’exemple de ses chefs, suivait la religion qui lui plaisait.
Lyon avait donné naissance, dans ces même temps, à un personnage célèbre, c’était Sidoine Apollinaire. Il était sorti d’une famille illustre : son père et son aïeul furent préfet des Gaules. Il embrassa  d’abord la carrière des armes, puis celle des belles-lettres, et devint le plus distingué dés écrivains de cette époque. A l’âge de vingt ans, il épouse une jeune personne d’Auvergne, nommée Papianilla, et lorsque son beau-père Avitus fut proclamé August, à Rome, en 455, il le suivit dans cette ville, prononça son panégyrique et obtint de statue d’airain pour prix de son éloquence. Quand son beau-père fut détrôné, si douane de 25 millions pour le défendre contre l'armée de Majorin ; et le flatteur poète suscite bien renforcer le vainqueur, s'il le désarma et obtint de lui le pardon de la ville rebelle. Plus tard, il entra dans les ordres et devint évêque de Clermont.
Saint Patient, évêque de Lyon, successeur de saint Eucher, fut lié d'une sainte et étroite amitié avec l’évêque Apollinaire. On ne sait rien de certain sur la famille de saint Patient ; famille se passait dans l'obscurité, lorsque la renommée de ses vertus le fit choisir pour devenir le pasteur de l'Eglise de Lyon. « Il développa sur ce siège cette énergie de penser, cette sagesse d'action, cette intelligence des hommes, des choses et des événements qui caractérisent le saint pasteur (2). » Il soutint avec beaucoup de vigueur la divinité de Jésus-Christ contre les doctrines d’Arius qui s'étaient propagées dans son troupeau, et en convertit un grand nombre.
Patient s'occupa beaucoup à rétablir les monuments chrétiens de Lyon. Il fit bâtir l'église de Saint Irénée et cette magnifique basilique des Macchabées, pour laquelle il déploya une pompe  est un luxe qui la rendirent l'une des plus belles églises de la Gaule. Elle était, suivant Sidoine, tout étincelante de marbres précieux, de dorures, de mosaïques et de riches peintures. Un triple portique, soutenu par des colonnes de marbre, formait l’entrée de ce temple(3).  Mais ce qui rend cet évêque digne de notre admiration, ce fut son inépuisable charité qui apparut au grand jour dans une année de famine et de misère. Aucun malheureux n’échappait à ses aumônes. Ses largesses ne se bornaient pas à la ville de Lyon, elles s’étendaient encore aux extrémités de la Gaule ; il envoyait des convois de blés aux villes les plus malheureuses. C’est ainsi qu’Arles, Avignon, Riez, Valence, Orange, Saint-Paul-Trois-Châteaux éprouvèrent tour à tour sa bienfaisance.  Il mourut, après avoir passé plus de quarante ans dans l’épiscopat, vers l’an 491. il fut inhumé dans l’église des Macchabées.
Gondioc mourut à vienne, en 470, comme on l’a vu plus haut, il avait partagé son royaume entre ses quatre fils, Gondebaud, Chilpéric, Godegisèle et Godemar.
Chilpéric et Godemar, mécontents de leur partage, s’allièrent avec les tribus germaniques voisines, vinrent attaquer Gondebaud et le vainquirent près d’Autun dans une grande bataille.



1-Chorier, Hist. Du Dauphiné. –Sismondi
2-Mgr Lyonnet, Vie de saint Patient.
3-Sidoine Apollinaire – Mgr Lyonnet

Gondebaud lui-même ne dut son salut qu’à un déguisement ; il s’enfuit en se couvrant de la peau d’ours d’un soldat et resta caché pendant trois jours. Puis, lorsqu’il eut appris que ses frères victorieux se livraient sans défiance à tous les plaisirs de la victoire, il envoya des messagers sûrs à ses fidèles leudes et au gouverneur de Lyon, en leur commandant de rassembler en hâte toutes leurs forces. A la tête de cette nouvelle armée, il vient surprendre ses frères dans Vienne, massacre de sa propre main Chilpéric avec son fils et fait prisonnière sa femme qu’il jette dans le Rhône avec une pierre attachée au cou. Puis, il fait environner de fascines et de fagots une tour dans laquelle son autre frère Godemar s’était réfugié (1) et le fait périr au milieu des flammes. Il restait encore deux filles de l’infortuné Chilpéric ; le roi barbare hésita s’il devait les immoler à sa colère ou leur laisser la vie. La pitié l’emporta ; il vit qu’il n’avait rien à craindre de deux faibles femmes et les confia à sa mère Carétène, qui les éleva dans le monastère Saint-Michel de Lyon, qu'elle fonda après de celui d’Ainay, où elle passa le reste de sa vie à pleurer la mort de ses enfants. L'une de ces jeunes princesses était Clotilde, qui plus tard devint l'épouse du roi Clovis.
Gondebaud, resté chef des Bourguignons avec Godegisèle, partagea avec lui les états de ses deux autres frères (2). Peu après, il reçut à Lyon des envoyés de l'empereur Olybrius, qui, voulant s'assurer un puissant allié, lui envoyait les ornements de patrice. Ainsi, les chefs de l'empire romain considéraient toujours les Bourguignons comme des alliés. Ce fut, au reste, le dernier acte d'autorité que chercher à faire les empereurs ; car les successeurs d’Olybrius abandonnèrent une prétention que l'impuissance de leur gouvernement n'aurait pu soutenir.
Gondebaud, après l'agrandissement de ses Etats, ne  prit pas de résidences particulières. Tantôt il se fixait à Lyon, tantôt à Genève, souvent encore il passait une saison entière dans quelques châteaux de plaisance ; l'histoire a gardé le souvenir,, d’Albigny et d'Amberieux-en- Bugey, qu'il se plaisait à habiter. C'est dans ce dernier lieu qu'il mit en ordre les lois appelées de son nom loi Gombettes.
L'inaction n'était pas du caractère de ces rois bourguignons, toujours vifs, ardents, aimant la guerre pour le butin. Aussi, Gondebaud profitant de la lutte entre Odoacre et Théodoric, réunis bientôt ses guerriers, et leur montrant les plaines fertiles de la Ligurie ouverte pour leur expédition, il les pousse en Italie, prend Turin et Pavie, ravage tout le pays et revient dans ces états avec un grand nombre de prisonniers qui furent réduits en servitude (492).
Godegisèle, alarmée de ces mouvements de son frère aîné, compris que jour l'ambitieux Gondebaud chercherait à réunir tous les Etats des Bourguignons sous sa domination. Aussi, pour prévenir une guerre funeste, il voulut s’assurer des amis et des appuis chez ses voisins. Il fit alliance avec le roi des Francs qui venait de fonder un royaume sur les débris de l’empire romain, et qui avait déjà rempli toute la Gaule de la renommée de ses exploits.
Clovis, aussi ambitieux et plus adroit politique que Gondebaud, sentit l’avantage qu’il pourrait tirer un jour de la division des deux frères, pour s’emparer  d’une partie de leur territoire. Il ménagea adroitement les deux partis, fit alliance avec chacun d’eux et attendit les circonstances pour agir (3)



1-Sismondi.
2-Annales du Moyen Age
3-Dom. Bouquet, tom, m, p. 397.


Ses députés virent par hasard la princesse Clotilde ; ils la trouvèrent sage et belle, et, ayant appris qu’elle était de race royale, ils en informèrent aussitôt le roi Clovis. Celui-ci forma sur-le-champ le projet d’épouser une princesse qui devait lui apporter ses prétentions aux provinces de Bourgogne qu’avait possédées son père.
Sans retard il envoie des ambassadeurs à Gondebaud qui n’ose refuser de prendre Clovis pour neveu, dans la crainte de s’attirer ses armes avec son inimitié. Le contrat fut signé à Cavaillon, les envoyés firent des présents au roi et partirent pour Soissons avec la princesse (1) en 493.
Carétène mourut bientôt après la séparation de sa chère petite-fille, à l’âge de 51 ans ; elle succomba à la douleur d’avoir vu expirer une partie de sa famille, et fut enterrée dans le monastère de Saint-Michel, qu’elle avait fondé à Lyon, près de la place qui a conservé ce nom. Son épitaphe contient vingt-six vers.

Gondebaud avait vu avec peine sa nièce Clotilde devenir l’épouse du roi des Francs, il redoutait l’ambition de Clovis et surtout le ressentiment de la princesse. Aussi, il chercha à faire face aux orages, s’allia avec Théodoric, roi d’Italie, maria son fils Sigismond avec la fille de ce prince et, pour cimenter encore plus fortement la bonne harmonie qu’il voulait établir entre les deux royaumes, il se hâta de remettre aux mains de saint Epiphane, moyennant une faible rançon, tous les prisonniers qu’il avait amenés d’Italie quelques années auparavant ; ces prisonniers montaient à 6 000 hommes (2), en 494.
Clovis fut influencé par sa femme ; souvent elle l’avait ocnjuré avec larmes de lui accorder deux grâces : l’une de se faire chrétien, l’autre de porter la guerre en Bourgogne, et de se venger sur Gondebaud du massacre de ses parents (3).
Clovis fut embarrassé au sujet de la religion, mais son cœur ambitieux se promit d’accomplir ses désirs sur la Bourgogne, lorsque l’occasion se présenterait ; elle ne tarda pas à  s’offrir.
Des inimitiés avaient éclaté entre Gondebaud et Godesigèle, sans doute au sujet de leurs possessions particulière ; Clovis, de son côté, avait cherché, en plusieurs occasions à étendre son territoire, et avait toujours profité des concessions que Gondebaud lui avait faites pour conserver la paix. Mais enfin, ce dernier se lassa de toujours offrir, et, apprenant que les Francs se préparaient pour une expédition, il fit prier Godegisèle d’oublier leurs querelles pour s’unir contre l’ennemi commun. Godegisèle avait fait alliance avec Clovis ; il avait été convenu que leur traité resterait secret, tant que les Francs n’auraient pas envahit la Bourgogne.
Clovis entre donc en campagne ; Gondebaud marche contre lui, le perfide Godegisèle vient le joindre à la tête de ses soldats et se range en bataille sous les drapeaux de son frère, dans les environs de Dijon, sur les bords de la petite rivière de l’Ouche.  Mais, au milieu du combat, il joint ses forces à celle de Clovis et tombe rudement sur l’armée de Gondebaud qui fut bientôt mise en déroute.
Gondebaud s’enfuit jusqu’à Avignon ; comme la ville était forte, il se prépara à en soutenir le siège, en 501. Clovis fit ses dispositions d’attaque tandis que Godegisèle triomphant alla jouir de sa victoire dans Vienne. Déjà les Francs avaient tenté inutilement plusieurs assauts meurtriers pour eux et Clovis prévoyait qu’il ne s’emparerait de la place qu’après de longs et pénibles travaux qui rebuteraient ses troupes ; lorsque Gondebaud, persuadé par un de ses conseillers, promit de se reconnaître tributaire du roi des Francs, s’il voulait entrer en accommodement.


1-Grégoire de Tours
2-Picot, Ennod. Chro.
3-Picot.- Glausolles, hist. De France, p. 37


Clovis accepta le tribut offert, laissa 5 000 guerriers à Vienne pour soutenir son allié  Godegisèle, augmenta son propre royaume de quelques places (1) et retourna dans ses Etats.
Dès que Gondebaud se vit débarrassé de Clovis, il ne songea plus qu’à se venger de son frère, il rassembla ses troupes à Lyon et vint l’assiéger dans Vienne. Les populations furent fidèles à l’appel de Gondebaud, qui avait défendu l’honneur national et abandonnèrent Godegisèle. Celui-ci, se voyant pressé, fit sortir de la ville toutes les bouches inutiles. Parmi ces infortuné bannis se trouvait un vieillard qui était chargé de la réparation d’un aqueduc. Il vint trouver Gondebaud, et lui proposa d’introduire ses troupes par le passage souterrain. Les Bourguignons, guidés par cet homme, entrent dans le canal, soulèvent avec des leviers de fer une grosse pierre qui en fermait le soupirail, et, pénètrent dans la ville. Ils se rendent maître des rues, et sonnent les trompettes, signal qui annonce à Gondebaud de faire donner l’assaut aux portes. Vienne fut prise en un instant ; tous les sénateurs qui avaient suivi le parti de Godegisèle furent mis à mort ; et ce chef lui-même, réfugié dans une église, y fut massacré(2). La garnison franque, que Clovis avait laissée, fut faite prisonnière ; et, pour se débarrasser de ces hôtes incommodes et n’avoir pas à s’attirer une querelle à leur sujet, il les envoya à Alaric, roi des Visigoths, qui était en guerre avec les Francs. Mais Alaric fut tué dans la bataille de Vouillé (507) et Clovis s’empara des Etats du roi visigoth.



1-Dom Bouquet, Chorier
2-Menestrier, Sismondi, Greg de T. Frédégaire.






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