lundi 29 août 2011

Histoire des Bourguignons 1


 et de leur établissement dans le Lyonnais*


Les Burgondes étaient des peuplades qui habitaient le nord de la Germanie, vers les rives de l’Oder et de l'Elbe. Leur nom signifie en leur langue guerriers du serment. Ils appartenaient à la race vandale et obéissaient à un chef qu'ils choisissaient. Ce chef était le premier en valeur et en courage : tous faisaient serment de le suivre et de le défendre. En temps de guerre, le pillage et le butin formaient leur solde ; en temps de paix ils s'occupaient à divers genres d’industries et travaillaient à des métiers. Leurs moeurs étaient les plus douces de toutes celles des Barbares qui vient fondre sur l'empire romain. Ils laissaient croître leur longue chevelure, qu'ils enduisaient de beurre ou de graisse, et portaient des habits rouges sans manche appelé armilausa. Leur extérieur était grossi, leur taille gigantesque, la plupart avaient six pieds. Ils aimaient beaucoup l'oisiveté, le chant, la musique, et s'adonnaient à la bière, mais aussi ils étaient généreux et hospitaliers.**
toute leur vie se passait à guerroyer contre les nations germaniques qui les pressaient de tous côtés ; tantôt ils étaient envahis et forcés à des déplacements qui les refoulaient, soit vers les rives de la Vistule, soit vers celle de l'Elbe ; tantôt ils se portaient en avant dans la Germanie et allaient ravager les rives du main et du Necker, et ils poussaient leurs expéditions jusqu'à la Bohême. Vers l'an 70 de J.-C., ils habitaient près de l'embouchure de la Vistule. Les Goths, puis les Gépides, les refoulèrent dans la Germanie occidentale. L'an 277, ils envahissent la Gaule ; Probus les rejette sur les bords de l'Elbe, et ils s'établissent vers le confluent de la Saale et du Main. Chaque année ils avaient de nouvelles querelles avec les Germains et les Alemans, à l'occasion de leurs salines et surtout de leurs limites***.
Leurs gouvernements à beaucoup de rapport avec celui des autres Barbares de la Germanie. Impétueux dans la première attaque, leur choc avait peu de durée. Ils se rebutaient aisément des longs combats étaient très lâches pour les travaux pénibles. Ils étaient grands mangeurs et grands causeurs, leur haleine exhalait toujours une forte odeur d'ail et d'oignon dont ils faisaient leurs délices. Leur chef, choisi dans l'assemblée de la nation, pouvait être révoqué ; il ne devait souvent son élévation à la faveur constante de la fortune. Ce chef suprême s'appelait Hendin ; son autorité assez limitée, n'était importante en temps de guerre. Toutes les affaires publiques se traitaient dans l'assemblée de la nation, où chacun donnait librement son avis, et c'était la majorité qui l'emportait****
Leurs prêtres c'est de la plus grande autorité ; on les regardait comme inspirer des dieux. Le chef de ces prêtres se nommait Sinist, il était plus puissant que le roi est irrévocable. Cette vénération auront leur Sinist les porta à embrasser facilement l'Évangile, dès que l'un d'eux se convertit au christianisme, ce qui eut lieu vers la fin du IVe siècle. Oroze, cependant, affirme qu'ils se firent chrétiens vers l'an 430.
Après les années qui suivirent la mort de Julien, l'empire romain d'Occident fut exposé aux ravages et aux incursions de divers peuples ennemis : Gratien et Valentinien luttaient péniblement et contre des barbares et contre des usurpateurs. Alors les Burgondes avaient pour chef un homme puissant et brave qui, avec 80 000 guerriers s'était avancé dans le Palatinat, sur les bords du Necker et du Rhin.


* Réimpression de l’édition de 1859
** Sismoudi –Michelet, Hist. De France
*** ordanès. M. Raget de Belloguet, passim.
**** Ammien Marcellin, Sdonius Apollinaris.



Les recueils de la mythologie scandinave chantent les exploits de ce chef, qui tenait sa cour à Worms et occupe et Mayence (1)
En 407, une autre horde de la même nation s’unit avec les Suèves, les Vandales et  les Alains ; conduits à un chef nommé Godegisèle, ils franchirent le Rhin, dévastèrent la Gaule pendant deux ans, exterminèrent un corps de Francs qui se disaient alliés de l'Empire et portèrent leurs ravages en Espagne où ils finirent par demeurer (2).
Peu après, les Burgondes reparurent sur les terres de l'Empire. En 411, un certain Jovinus s'était fait proclamer empereur à Mayence. Voulant s'assurer de ses puissants alliés, il fait proposer au brave Gunt-her (dont nous avons fait Gondicaire), de le soutenir avec ces vaillants guerriers et de le reconnaître comme empereur à la place du faible Honorius. Il lui promet en retour un établissement sur la terre fertile de la Gaule. Les Burgondes suivirent ces étendards ; mais Jovinus fut vaincu et tué par les généraux d’Honorius en 413.
Cependant, celui quoique vainqueurs, redoutaient les Burgondes. Il avait besoin d'alliés et ratifia en leur faveur les promesses qu'avait faite Jovinius de leur donner des terres et des cantonnements sur la rive gauche du Rhin, dans la revint appeler Germanie- Supérieure, c'est-à-dire, dans le pays compris entre le Rhin, la Moselle et les Vosges (3). Alors, ces guerriers proclamèrent pour Roi leur chef Gondicaire, et se cantonnèrent dans les forteresses du Rhin, à Mayence, à Worms, à Spire, etc., et tout le long du fleuve. Bientôt il fit revenir leurs femmes, leurs enfants et leurs troupeaux, et s'incorporèrent dans la population romaine, sous le nom de milites auxiliarii. Ces Burgondes trouvèrent en abondance des terres délaissées, à cause des ravages qu’occasionnaient les Germains dans ces pays. Les colonies militaires que Stilicon avait rappelées en Italie laissaient libre une grande étendue de terrain, puisque ces soldats n'avaient guère pour toute solde que des terres à cultiver.
Bientôt la douceur de ces nouveaux venus lui fit aimer de la population : comme ils étaient chasseurs et passeurs, ils abandonnèrent les villes aux habitants et se construisirent dans les champs de grossières cabanes. Ils apprirent des indigènes lézards utiles, l'agriculture, le tissage des étoffes (4) et embrassèrent tous le christianisme, catéchiser par les missionnaires que le renvoyer l'évêque de Spire. Suivant l'usage de ces peuples, leur chef Gondicaire parcouru les limites de son petit État, et établi un comte dans chaque district. Le gouvernement de celui-ci se divisait en capitaineries dont les chefs étaient chargés de répartir les terres entre les familles. Ces officiers étaient à la fois juges et capitaines de leur bourgade.
Cependant Gondicaire, se trouvant trop resserré dans son nouveau domaine, voulu, comme les autres barbares, d'étendre les armes à la main. Il envahit les territoires de Metz et de Toul. Mais le général des Romains, Aétius, le refoula et repris les concessions faites par Honorius. Comble de malheur, une horde de Huns tombent sur les vaincu, les taillèrent  en pièces et tuèrent Gondicaire (5).



1 M. Roget de Belloguer
2  Lebas, Hist. Du Moyen-âge, page 35
3   Burgoniones partem Gallix propinquantem Rheno obtinuerunt St-Prosper.
4  Gingins de la Sarra
5  St-Prosper, Cassiodore, Tillemond. D. Bouquer. M. Roget de Belloguet.  



Gondioc son fils lui succéda en 436. Il paraît qu'il reçut des Romains un établissement dans le Dauphiné et dans la Savoie à condition de défendre les passages de l'Italie. L'invasion d'Attila rapprocha les Romains des Burgondes.
Attila avait soumis incorporer dans ses troupes les Huns,les Gépides, les Ostrogoths, les Marcomans, les Suèves, les Alains et d'autres peuples barbares. Sa domination s'étendait des bords du Rhin à ceux de la mer caspienne, et de la Baltique ont montagnes de la Grèce septentrionale (1) . La Germanie tout entière s'était soumise à son joug.

Cet homme féroce, qui se faisait appeler le fléau de Dieu, après avoir ravagé toute l'Europe méridionale et brûlé soixante-dix villes populeuses, s'était dirigé vers la Gaule pour entrer en Italie avec une armée innombrable.
Strasbourg, Tongres, Mayence, Metz furent brûlées par ce barbare. Les Burgondes, effrayés s'étaient réfugiés dans leurs montagnes. Aétius, digne générale des Romains, fit comprendre aux rois de la Gaule qu'il était de leur intérêt commun de se réunir entre Attila. Mérovée, chef des Francs, Théodoric, roi des Wisigoths, Gondioc, roi des Burgondes, réunir toutes leurs forces et celles d’Aétius, marchèrent contre les Huns qui assiégeaient Orléans, et les contraignirent à reculer jusque dans les plaines de Châlons-sur-Marne (2). Là, les Francs, commencèrent à attaquer les Gépides ; la nuit seule mit fin à cette lutte où il périt cinquante mille barbares. La bataille du jour suivant devint une affreuse mêlée ; toute la plaine fut inondée de sang. Le combat fut si opiniâtre, qu’Aétius à chaque instant se trouvait au milieu des bataillons ennemis, et que ne pouvant pas savoir ce qui se passait à l’aile l'opposé de son armée, il se retrancha dans son camp, craignant une défaite. Attila enfin, recula, après avoir laissé sur le champ de bataille 162 000 des siens ; mais il paraissait encore terrible, les vainqueurs nous sert le poursuivre ; il alla ravager l'Italie. Le roi des Wisigoths avait trouvé la mort dans cette terrible lutte.
Les Burgondes, en reconnaissance des secours qu'ils avaient donné à Aétius, obtinrent de l'empereur la confirmation de tous leurs domaines, le titre d'amis et d’alliés fidèles, et leur roi Gondioc qui s'était illustré dans la bataille, fut créé patrice romain. Quant au brave Aétius, il fut assassiné par la main du lâche empereur Valentinien III, jaloux de sa gloire et de sa renommée. C'est ainsi que les Césars savaient récompenser les services (454).
Gondioc profita des discordes de l'empire romain s'agitaient sous les prétentions de plusieurs empereurs, pour s'étendre dans le pays placé au sud des Vosges. Rome était tombée du faîte de sa gloire, elle venait d'être saccagée par les Vandales ; toutes les populations sans défense étaient la proie des barbares. Avitus (456) avait été proclamé empereur, puis déposé et sacré évêque. Majorin, officier de son armée, de concert avec le Suève Ricimer, s'érigea en gouverneur de l'Occident. Profitant de ces troubles, les Burgondes s'avancèrent dans toute la Séquanie, s'emparèrent de Genève, et s'étendirent dans tout l'ancien pays des Eduens, par convention réciproque avec les habitants (3).




1 Le Bas, Hist. Du Moyen Age

2 Jordanès, 36.-. Grèg de Tours, 2,7.- LeBas. Il paraît plus probable que la bataille se donna près De Méry-sur-Seine.


3Marii chron., Greg. Turr. – Frégédaire. Chr.





Les populations de ce pays, épuisées par les exactions du fisc, ignorant de quelles nations barbares elles allaient devenir la proie, cherchèrent alors par elles-mêmes à pourvoir à leur salut. Comme elles connaissaient la douceur des Burgondes, elles firent avec eux une soumission volontaire à la condition d’un partage de territoire. Ce fut la ville de Langres, qui, la première, suivant quelques historiens, se sépara ainsi de l’Empire. Toute la province suivit cet exemple, depuis le territoire de Sens, en descendant le bord de la Saône, jusqu’à Mâcon et Autun. La limite sud du royaume de Gondioc était formée par les territoires de Bourg, de Belley et de Moutiers ; il enclavait tout le Rhône supérieur jusqu’à Zurich(1) et Bâle. Lyon et son territoire n’en faisaient point encore partie. Cet établissement des Burgondes ne fit pas disparaître les institutions existantes, mais il modifia les idées, les coutumes et morcela les propriétés par le partage.
Le gouvernement intérieur ne fut pas changé, les innovations furent imposées par les seules circonstances. Les Burgondes, peu habiles dans l’administration civile, la laissèrent volontiers aux Romains pour ne s’occuper que de l’armée (2). Le royaume, dès lors, prit le nom de Burgondia et, comme l’établissement avait été conventionnel, les habitudes des deux peuples furent respectées ; le Romain, ( par ce nom il faut entendre la population indigène) habitué aux villes, y demeura paisible, et le Burgonde habita les champs avec son troupeau.
Pendant l’hiver, les deux populations se rapprochaient pour se livrer à des travaux d’industrie, car la culture des terres ne suffisait pas pour occuper les loisirs des Burgondes. Il y avait beaucoup de terrains appartenant au fisc ou qui étaient devenus libres par la mort de leurs possesseurs. Ce furent les chefs des Burgondes qui s’en emparèrent pour les partager avec leurs fidèles. Ainsi les bénéfices militaires se trouvent déjà établis à cette époque.
Dans ce partage, qui eut lieu avec les habitants indigènes, il fut convenu que les Burgondes possèderaient les deux tiers des terres avec le tiers des esclaves, à la charge d’abolir tous les impôts romains et de protéger la population par la force de leurs armes.
Tous le pays fut partagé en sept districts ou pagi. Le partage se fit suivant les coutumes barbares. Les chefs occupèrent militairement le territoire des villes importantes, mais ils laissèrent subsister, dans leur entier, les curies et les institutions municipales. Ils s’estimèrent fort heureux de trouver une organisation civile toute faite, bien supérieure à celle que leur ignorance aurait pu établir.
Non seulement la législation romaine demeure, mais encore les monnaies du pays continuèrent à avoir cours(3).


1-Gingins.- Chorier, Hist de Vienne

2-Sismondi.- Gingins de la Sarra.

3-Le Huërou



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