jeudi 8 septembre 2011

Jeanne d'Arc Le rôle des franciscains

Le rôle des franciscains

Lorsque l’on examine l’histoire de Jeanne d’Arc, force est de constater l’importance du rôle que jouèrent les Franciscains et leurs sympathisants (hommes ou femmes) dans le déroulement de sa mission. Partout, ils furent présents, de Domrémy à Rouen, de son enseignement à son procès, où son seul véritable défenseur et conseiller fut le Franciscain Martin l’Advenu.
La présence franciscaine auprès de la Maison de France commence au temps de Louis IX (saint Louis) lequel appartenait au Tiers Ordre fondé par François d’Assise. Ce roi délimita non seulement les frontières de son royaume mais il le dota de lois concernant notamment le sacre et le trône, ainsi que les modalités de sa succession. La folie de Charles VI et la trahison de la reine Isabeau, signant le traité de Troyes, ne pouvaient laisser indifférents ceux qui restaient fidèles à la tradition et aux rites de la maison royale établis par saint Louis. Parmi eux des Franciscains et la Maison d’Armagnac, alliée à la maison de France.

Les Spirituels
Saint Louis, vêtu de blanc, rendait la justice sous un chêne. Jeanne, elle, entendit ses voix dans un bois ou abri de chênes, et ce quelques mois seulement après la signature du traité de Troyes ; Coïncidence ?
Rapidement, les membres influents de l’ordre franciscain, les spirituels, s’associèrent aux voix qu’entendait Jeanne. Certains ont même assuré qu’ils étaient ces voix. En réalité, ils furent les enseignants, les initiateurs et accompagnateurs de Jeanne. Elle était l’élément indispensable à la réalisation de leur dessein religieux.
Il s’agissait de redonner le trône royal à son prétendant légitime, mais aussi de sauvegarder une partie de l’Ordre menacé par les bûchers et les tortures de l’Inquisition. Dès 1260, suite aux exhortations de Joachim de Flore, un grand nombre de Franciscains avaient préconisé la pauvreté totale pour l’Eglise et les religieux ainsi que le respect absolu de la Règle érigée par François d’Assise pour tous les frères appartenant à l’Ordre de pauvreté (François d’Assise était surnommé, précisément le poverello) Ces chrétiens se nommaient spirituels, et désiraient vivre suivant la nouvelle révélation (celle du Saint Esprit) qu’ils attendaient et qui serait, pensaient-ils contenue dans l’Evangile éternel.
Le pape Alexandre IV  (1255) condamna ces divagations que le sage saint Bonaventure tenta de tempérer. Malgré cela, la nouvelle pensée, embryon d’une réforme, ne fit que gagner les populations dans diverse régions d’Europe. Un retour à la pureté évangélique des origines ne pouvait que séduire des âmes pieuses et sincères, souvent dégoûtées par les outrances fastueuses et les abus de pouvoir de la hiérarchie romaine.
Le pape Célestin V autorisa cependant les spirituels à former une branche particulière au sein de l’ordre des Franciscains, mais son successeur, boniface VIII, abrogea cette permission. Les spirituels refusèrent alors d’obéir, ce qui les fit traiter de rebelles ou d’hérétiques. Pour se protéger, ils s’allièrent à Louis IV de Bavière, lui-même excommunié par le pape jean XXII.

Pourchassés par l’Inquisition

En Languedoc, de nombreux survivants du catharisme rejoignirent les spirituels ; dès 1316 l’Inquisition les traqua. Une de leur guide religieux Bernard le Délicieux, fut emprisonné à vie pour avoir critiqué l’Inquisition « cette milice ! », tandis que de nombreux Franciscains moins renommés périssaient sur les bûchers.
Quoiqu’ayant officiellement disparu, cette pensée n’en continua pas moins d’exister (parfois clandestinement) jusqu’à la Réforme protestante au début du XVIe siècle.
Ainsi l’histoire de Jeanne s’inscrit-elle dans un long processus opposant la foi chrétienne des origines aux dogmes postérieurs que soutinrent les élites universitaires et les pouvoirs qui lui étaient associés. Ce que certains commentateurs ont nommé l’Eglise de Jean et l’Eglise de Pierre, opposition que l’on retrouve dans le drame templier, les tenants de saint Jean ayant été persécutés par ceux de saint Pierre.
Dans le langage même de Jeanne se remarque son appartenance spirituelle à ces frères martyrisés. Lors de son procès, elle affirma à plusieurs reprises que son véritable but était d’instaurer le règne de Dieu sur la terre. Or, c’était précisément les termes qu’utilisaient les spirituels pour qui ce troisième âge de l’humanité (dont saint François était l’annonciateur) passait tout d’abord par le rétablissement du pouvoir du Roi, sacré à Reims, devant Dieu et les hommes.
Jeanne, les membres de la famille d’Orléans et les chevaliers de la Maisons Royale s’employèrent à rétablir dans ses droits ce principe fondé par saint Rémy en 496 (sacre de Clovis) et réaffirmé par saint Louis au 13e siècle. Par la suite, Louis XI, successeur de Charles VII, continua dans cette voie. Il affermit le royaume et le laissa, à sa mort, pratiquement dans les limites de notre France actuelle.
Ajoutons encore que dans ces années terribles, l’élite universitaire parisienne (dont faisait partie Cauchon, évêque de Beauvais) alliée notoire des Bourguignons et des Anglais traquait aussi les Franciscains spirituels. C’est pourquoi ceux-ci étaient tenu d’agir clandestinement.

L’indécision de l’Eglise

C’est ainsi que deux  grands blocs se définissaient en ce début du quinzième siècle : d’une part, la Maison du roi de France, liée à celles d’Orléans, d’Armagnac et quelques princes écossais, qu’assistaient, de manière occulte les spirituels et un grand nombre de Franciscains. D’autre part, le parti du duc de Bourgogne lié aux Anglais et à l’université parisienne, auquel s’ajoutait le soutien actif de l’Inquisition.
L’Eglise de Rome, quant à elle, oscillait d’un parti à un autre selon les pontifes. Cette partition correspondait pratiquement aux deux grands parlers de l’époque : langue d’Oc et langue d’Oïl. D’énormes intérêts étaient alors en jeu. Ils le sont peut-être encore sous d’autres formes.
Comme tous les héros, Jeanne d’Arc se trouve aux confluents de plusieurs courants politiques et historiques qui vont faire d’elle l’instrument du destin. Elle incarne (consciemment ou non) toutes les contradictions de son temps ; Jeanne est à l’image de la période qu’elle traverse, avide de changement et de pureté. Elle stigmatise ce qu’il faut détruire et précise ce qu’il faut transformer pour que naisse des temps nouveaux.

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