Un fil conducteur pour suivre les représentations du Faust ( I et II ) de Goethe
Au Goethéanum à Dornach ( suisse)
Vous aurez bientôt le privilège de voir représenter le Faust de Goethe. En composant cette œuvre, celui-ci n’a jamais eu égard aux servitudes de la mise en scène. Considérant les ressources dont disposait le théâtre de son temps, il tenait son Faust pour injouable. La scène du Goethéanum fut la première où, grâce au concours de l’art de la parole, de la musique et de l’eurythmie, la représentation put être réalisée.
La représentation intégrale. Car nous connaissons tous probablement déjà une partie de cette tragédie, nous connaissons le premier Faust avec son épisode principal, le drame de Marguerite, tel que Gounod l’a adapté de l’allemand par Gérard de Nerval – ou bien tel que Gounod l’a adapté à la scène lyrique. Mais ce « Faust » popularisé par l’image et par quelques airs célèbres, ce n’est qu’un épisode parmi beaucoup d’autres dans le drame de quelques 12 000 vers tel que Goethe nous l’a laissé. Le Faust dans son entier est bien autre chose et bien d’avantage que l’épisode Marguerite. Ce n’est rien moins, en effet, que le testament spirituel de Goethe, sa réponse à ces deux grandes questions : quel est le sens de la vie ? Comment l’homme moderne peut il parvenir à la connaissance ? – le « Faust écrit Rudolph Steiner, « c’est l’une des créations les plus hautes, les plus lourdes de sens, les plus extraordinaires de l’histoire spirituelle de l’humanité. »
A ce testament spirituel Goethe à travaillé toute sa vie. La genèse de Faust s’étend sur plus d’un demi siècle. « c’est à Strasbourg » nous dit Goethe, « vers 1771, que la légende a commencé à vibrer et à bourdonner en moi. »
Et c’est le 28 août 1831, moins d’un an avant sa mort, qu’après une dernière mise au point, il scelle le manuscrit qu’il appellera « sa grande affaire » ( mein grosses Geschäft ). Et il déclare alors : « je peux désormais considérer ce qu’il me restera à vivre comme un pur présent des dieux, et rien n’importe plus de ce que je pourrai faire, ou ne pas faire.
Le Faust est une œuvre difficile, hautement admirée certes, et vantée en tous pays – cela relève de la politesse due aux grands hommes. Mais l’épisode Marguerite mis à part, il est très peu lu et très mal connu, même dans les pays de langue allemande. Goethe savait très bien les difficultés que rencontrerait le lecteur, même attentif. Il appelle son œuvre « un monde d’idées, de symboles et de nuées ». Il dit ailleurs : « Faust est une œuvre incommensurable, toutes les tentatives pour l’approprier à la raison sont vaines » Et ailleurs encore : «c’est une œuvre qui va au- delà des expériences que l’on fait habituellement. Faust est une individualité si étrange que peu de gens sont capables d’éprouver les états intérieurs par lesquels il passe. »
Faust I
Dédicace
Prologue sur le théâtre
Une chose est sûre : nous sommes en présence d’une œuvre à caractère ésotérique. Goethe ne s’en est pas caché. Il déclare à son secrétaire Eckermann qu’à l’instar du poète qui veut mettre sa lumière sous le boisseau, il a enfermé dans son œuvre plus d’un mystère, que le Faust donnera à l’humanité future, bien du fil à retordre (viel zu schaffen), et que dans le Faust comparable en cela à l’histoire du monde et à l’histoire de l’humanité, le problème que l’on vient de résoudre en pose immédiatement un nouveau, qu’il faut à son tour résoudre.
En présence de ces énigmes – nous en rencontrerons à chaque pas - d’où pouvons-nous attendre la lumière ? De notre réflexion personnelle – oui, sans doute – de notre pouvoir d’intuition, de notre disponibilité intérieure à laisser un symbole parler à notre pensée, à notre imagination, à notre sensibilité. Des indications données par Goethe lui-même ? – Hélas, elles soulignent la difficulté, plus qu’elles n’aident à la résoudre. Des innombrables commentaires parus sur le Faust ? Quelques-uns sont utiles, beaucoup sont décevants, ou travaux d’érudition pure. Entre les années 1915 et 1920, Rudolph Steiner a prononcé une trentaine de conférences sur le Faust, que madame Steiner a réunie et publiées sous le titre : « Geisteswissenschaftliche Erläuterungen zu Goethe Faust « (commentaires du Faust inspirés de la Science spirituelle). Ces conférences sont la clé indispensable à qui veut, dépassant l’interprétation courante, exotérique, que l’on donne du Faust, s’essayer à découvrir le sens dernier de la tragédie. Ce sont des textes extrêmement ardus ; mais rassurons nous, Rudolph Steiner nous dit lui-même qu’il existe plusieurs niveaux et degrés dans la compréhension du Faust ( « … DaB Goethes Faust verschiedene Grade und Stufen des Verstehens zuläBt » ). Dans le temps dont nous disposons, il n’est guère possible que faire plus que résumer la tragédie, scène après scène, acte après acte, afin que les spectateurs qui ne comprennent pas l’allemand puissent au moins suivre dans ses grandes lignes le déroulement de l’action.
La tragédie est précédée d’une Dédicace, d’un Prologue sur le théâtre et d’un Prologue dans le ciel.
La Dédicace, poème d’une trentaine de vers, et le Prologue sur le théâtre, qui en comporte environ deux cents, n’ont pas de rapport direct avec l’action proprement dite.
Dans la Dédicace composée en 1797, le poète évoque le temps où il a commencé à écrire son Faust. il pense avec tristesse aux amis de sa jeunesse, alors témoins de ses premiers essais, aujourd’hui morts ou dispersés par le monde.
Le Prologue sur le théâtre, composé à la même époque, met en scène trois personnages : le directeur de la troupe, le poète auteur dramatique, et le bouffon. Le directeur attend de son poète une pièce qui, en flattant les goûts du public, fasse salle comble et remplisse la caisse. Le poète défend ses droits de génie et se refuse à galvauder son talent. Le bouffon met dans le débat une note enjouée, et finalement le directeur annonce au public ce qui, à l’origine tout au moins, devait être la marche de l’action :
Du ciel, à travers le monde, jusqu’à l’enfer.
Faust I
Prologue dans le ciel
La tragédie proprement dite, c’est au ciel qu’elle commence. Elle s’ouvre en effet par le Prologue dans le ciel, qui fait penser – Goethe lui-même a souligné le bien- fondé de ce rapprochement. – au début du Livre de Job. L’Eternel trône au dessus des nuées tandis que les trois Archanges : Raphaël, Gabriel et Michaël, chantent les splendeurs de la Création, accompagnés par l’harmonie des sphères :
« Ta vue » - chantent les Archanges tournés vers l’Eternel
« Ta vue donne aux Anges la vigueur,
Encore qu’à tous tu demeures insondable,
Et toutes tes œuvres sublimes
Sont belles comme au premier jour 1)
A ce moment paraît Méphistophélès, le diable de l’ancienne légende – mais nous verrons dans la suite qu’il représente bien autre chose que le Satan au pied fourchu de l’imagerie populaire. Il exprime le dégoût que lui inspire le monde terrestre, et surtout l’homme « le petit dieu du monde », qui passe son temps à se tourmenter, et dont le diable se demande même si, malgré ou plutôt à cause du reflet de lumière céleste que Dieu lui a donné, et dont il use si mal, il n’est pas plus pitoyable encore que ridicule.
« Puisque, Seigneur, tu t’approches une fois encore,
Et t’enquiers comment vont nos affaires,
Et que d’ailleurs, tu me vois volontiers,
Tu me retrouves, moi aussi, parmi tes gens.
Excuse-moi, je ne sais pas faire de belles phrases,
Dussé-je être hué par toute la compagnie.
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