lundi 29 août 2011

Le bouddhisme en quelques mots

Narada Mahathera


2542 -1998


« Sujettes au changement sont toutes les choses conditionnées »
« Soyez diligents pour atteindre le but »

Namo Tassa Bhagavato Arahato Sammâ Sambuddhasa

Chapitre 1

Le Bouddha

Le jour de la pleine lune de mai, en l’an 623 avant J. C. naquit au Népal un prince indien du clan des Sakyas, appelé Siddhattha Gotama qui était destiné à devenir le plus grand maître religieux du monde. Elevé dans le luxe et recevant une éducation princière, comme un simple humain, il se maria, eut un fils.
Sa nature contemplative et sa bonté sans limite ne lui permettaient pas de s’adonner plus longtemps aux plaisirs matériels et fugitifs d’une cour royale. Il n’était pas triste mais avait une profonde compassion pour les souffrances de l’humanité. Au milieu du confort et du luxe, il se rendait compte de la douleur universelle. Le temps était venu de quitter le palais, ses fastes et ses attraits  mondains. Se rendant compte de la vanité des plaisirs sensuels, il renonça à 29 ans, à toutes les jouissances terrestres et revêtu de la robe jaune de l’ascète, seul et dépouillé de tout, il partit à la recherche de la vérité et de la paix.

Ce fut un événement historique et sans précédent, car jamais auparavant on n’avait vu un tel renoncement de la part d’un homme dans la force de l’âge et fils du roi.
Se conformant à la croyance de l’époque selon laquelle quiconque voulait obtenir son salut devait se livrer à une rigoureuse ascèse permanente, il pratiqua inlassablement les formes les plus extrêmes de mortification. « Veille après veille et mortification après mortification », il fit des efforts surhumains pendant dix longues années, sans autre résultat que de torturer son corps qui eut bientôt l’aspect d’un squelette.

Instruit par l’expérience personnelle, il fut alors convaincu de l’inutilité des austérités pénibles et des souffrances qu’il s’imposait. Non seulement elles épuisaient son corps et son intelligence, mais elles l’éloignaient du but. Il décida finalement de suivre une voie indépendante, évitant des deux extrêmes qui étaient d’une part, l’abandon aux plaisirs sensuels et d’autre part l’abandon aux mortifications physiques, le premier retardant le progrès spirituel et le second, affaiblissant l’esprit. La nouvelle voie qu’il découvrit était la voie moyenne, Majjhimâ Patipadâ, ( juste milieu) qui devait constituer une des caractéristiques essentielles de son enseignement.

Un matin mémorable, pendant qu’il était profondément absorbé dans sa méditation, sans guide et sans l’aide d’un pouvoir surnaturel, mais ne comptant que sur ses propres efforts et sa sagesse, il se libéra de toutes les souillures et impuretés et parvint à la connaissance parfaite, à l’éveil ( état de Bouddha) à l’âge de 35 ans
 ( ?)* Il n’était pas né Bouddha, il en devint par sa seule volonté. En Maître sage et compatissant, il consacra le restant  de sa vie à prêcher les vertus dont il était l’incarnation parfaite, et à servir l’humanité par exemple et les préceptes, travaillant sans relâche et sans égoïsme personnel, pour le bonheur et le salut de tous.


* Belle légende, mais  les auteurs de celle-ci ne savent pas calculer. S’il est parti de chez lui à 29 ans, si pendant « dix longues années » il s’est fourvoyé dans la recherche de « la voie du milieu » si ensuite, il lui a encore fallut quelques années pour atteindre enfin « l’Etat de Bouddha » il ne pouvait  pas avoir 35 ans mais au minimum 45.
Après un fructueux ministère de 45 années, le Bouddha, comme tout mortel, succomba à l’inexorable loi de l’impermanence et mourut dans sa quatre-vingt-seizième année, en recommandant à ses disciples de considérer sa doctrine comme leur Maître.

Le Bouddha était un être humain, comme un homme il naquit, comme un homme il vécut et, sa vie eut une fin comme toute vie humaine. Il devint certes un homme exceptionnel, Acchariya Manussa, mais il ne revendiqua jamais un caractère divin. Il tenant à dissiper tout doute sur ce point, ne voulant pas qu’on commît l’erreur de lui attribuer une essence divine et immortelle. En effet, jamais on ne le déifia. Et pourtant, si « aucun Maître ne fut moins Dieu que le Bouddha, aucun ne ressemblait plus à un Dieu que lui »

Le Bouddha n’est ni une incarnation du dieu hindou Vishnou comme certains le croient, ni un sauveur qui se sacrifie librement pour le salut des autres. Le Bouddha exhortait ses disciples à ne compter que sur eux-même pour obtenir leur Libération, car la pureté comme la souillure se trouvaient en eux-mêmes. Il leur disait qu’il était seulement leur Maître et leur Guide, et insistait sur l’importance de la responsabilité individuelle et sur la nécessité des efforts personnels. « Il vous appartient de travailler à votre purification, les Tathâgatas vous montrent seulement le chemin. »

Ce chemin est celui de la Délivrance, c’est à nous de le suivre. « compter sur les autres pour gagner son salut est négatif mais compter sur soi-même est positif » Compter sur les autres c’est capituler.

Dans le Prinibbâna Sutta, le Bouddha a dit à ses disciples « Soyez votre propre île, soyez votre propre refuge, ne cherchez pas d’autre refuge » Ces paroles nous rappellent que, s’il est indispensable d’avoir de la détermination et de la persévérance pour réussir, il est par contre futile de demander à des sauveurs bienveillants de nous sauver ou de poursuivre un bonheur illusoire dans une vie future en flattant des dieux imaginaires par des prières égoïstes et de vains sacrifices.

D’ailleurs, le Bouddha ne s’attribuait pas le monopole de l’état de Bouddha. Au lieu de décourager ses adeptes et de se réserver le privilège de cet état suprême, il les exhortait à l’imiter. Ayant atteint le plus haut sommet de la perfection, et en Maître qui ne cachait rien dans sa paume fermée, il leur révéla la seule voie qui y menait, cette  voie même qu’il avait parcourue. Le Bouddha ne considérait pas les êtres humains comme des misérables pêcheurs ou des esclaves soumis à la volonté d’un Pouvoir Suprême. Au contraire, il avait foi en la valeur de l’homme, en ses extraordinaires possibilités latentes et en son pouvoir de créer sa propre destinée.

Au lieu de placer au-dessus de l’homme un dieu invisible et tout –puissant, le Bouddha enseigne que chacun est responsable de lui-même et qu’il peut atteindre la délivrance spirituelle sans recourir à la compassion divine ou à la méditation de prêtres. Les hommes ne sont pas pervers, ils sont seulement aveuglés par l’ignorance. Nous sommes tous nés bons, nous possédons tous potentiellement la qualité de Bouddha.
Celui qui aspire à en devenir un est appelé Bodhisattva, un être de sagesse dont le noble idéal – le plus beau et le plus raffiné qui soit dans ce monde égocentrique – est de mener une vie pure tout entière consacrée au service des autres.

Le Bouddha s’élevait aussi contre le système dégradant des castes et prêchait l’égalité des hommes.
Il déclarait que les portes du succès et de la postérité étaient ouvertes à tous ceux qui, fussent-ils puissants ou humbles, vertueux ou corrompus, aspiraient à la perfection et étaient prêts à tourner la page. Pour des hommes et des femmes méritants appartenant à des castes, des races ou des clases sociales différentes, il fonda une communauté religieuse dotée d’une constitution démocratique. Il n’exigeait pas de ses disciples une obéissance passive à son enseignement ou à lui-même mais il leur laissait une complète liberté de pensée.
Il consolait les affligés, soignait les malades délaissés, secourait les pauvres et les abandonnés, ramenait les égarés et les criminels dans le droit chemin, encourageait les faibles, unissait les désunis, éclairait les mauvais, inculquait le sens de la dignité aux bons. Il était aimé des riches comme des pauvres, des saints comme des criminels. Rois et princes, nobles et millionnaires, savants et balayeurs de rues, assassins et courtisanes, tous tiraient profit de ses paroles de sagesse et de compassion. Son visage offrait l’image de la paix et de la sérénité et son noble exemple était une source d’inspiration pour tous son message de Paix et de Tolérance constituait un bienfait d’une valeur inestimable pour ceux qui avaient le bonheur de l’entendre et de le mettre en pratique.

Partout où il s’est propagé, l’enseignement du Bouddha a laissé son empreinte ineffaçable sur le caractère des peuples, contribué au progrès culturel des nations et exercé une influence civilisatrice considérable sur un grand nombre de pays, en particulier en Asie. Bien que plus de 2.500 ans se sont écoulés depuis la disparition de ce grand Maître, le magnétisme de sa personnalité exceptionnelle demeure toujours intact. Une volonté de fer, une profonde sagesse, un amour universel une compassion infinie, un service plein d’abnégation, un grand renoncement, une pureté absolue, des méthodes exemplaires pour propager l’enseignement et le succès final, tous ces facteurs ont amené environ le cinquième de la population mondiale actuelle à saluer le Bouddha comme leur plus grand Maître religieux
Rendant un hommage fervent au Bouddha, Sri Radha-Krishna dit : « En Gotama le Bouddha nous voyons un esprit supérieur de l’orient qui ne le cède à personne dans le domaine de l’influence sur la pensée et sur la vie de la race humaine. Il est vénéré de tous en tant que fondateur d’une tradition religieuse dont l’emprise n’est guère moindre que celle de n’importe quelle autre religion, quant à son étendue et sa profondeur ; il appartient à l’histoire de la pensée du monde, à l’héritage commun des hommes cultivés, car par son intégrité intellectuelle, son élévation morale et sa pénétration spirituelle, il est sans aucun doute l’un des plus grands personnages de l’Histoire ».

Dans les « Trois plus grands hommes de l’histoire » HG-Wells écrit. « en Bouddha vous voyez clairement un homme simple, sincère, solitaire, qui lutte pour conquérir la lumière, un e personnalité humaine forte et vivante, non un mythe. Lui aussi a apporté au monde un message de caractère universel avec lequel beaucoup de nos idées modernes sont en étroite harmonie. Il nous a enseigné que toutes les peines et contrariétés sont dues à l’égoïsme. Pour connaître la sérénité, l’homme doit cesser de vivre pour jouir du plaisir des sens ou pour lui-même. Alors il devient un être supérieur. Cinq cents ans avant J.C., le Bouddha, dans un langage différent, a conseillé aux hommes l’oubli de soi. A certains points de vue, il est plus proche de nous et de nos aspirations. En ce qui concerne notre individualité et notre utilité, il était plus lucide que le Christ et en ce qui concerne l’immortalité de chacun, il était moins ambigu »
Saint-Hilaire remarque : « Il est le modèle parfait de toutes les vertus qu’il prêche. Sa vie n’a pas une seule tache ». Fausboll dit : « Plus je le connais, plus je l’aime »
Un de ses  humbles disciples dirait ; Plus je le connais, plus je l’aime et plus je l’aime, plus je le connais.
Chapitre 2

Le Dhamma, est-ce une philosophie.

Le système non agressif, moral et philosophique exposé par le Bouddha, n’exige pas de ses adeptes une foi aveugle, n’énonce pas de croyance dogmatique et n’approuve pas la pratique superstitieuse des rites et cérémonies. Pour un disciple qui possède une règle de vie et des pensées pures, il est la voie qui conduit à la Sagesse suprême et à la Délivrance de tous les maux. Ce système appelé de Dhamma, est familièrement connu sous le nom de bouddhisme.

Le Bouddha miséricordieux est mort mais le sublime Dhamma qu’il a généreusement légué à l’humanité, existe toujours dans sa pureté première.

Le Maître n’avait laissé aucun écrit mais ses disciples avaient appris par cœur tout son enseignement, qui fut par la suite transmis oralement de génération en génération. Immédiatement après la disparition du Bouddha, 500 éminents Arahats (les Parfaits, les disciples qui avaient détruit toutes les passions) versé dans le Dhamma (l’Enseignement) et le Vinaya (la Discipline ) réunirent un concile pour compiler la Doctrine telle qu’elle avait été enseignée par le Bouddha. Le Vénérable Ananda qui avait jouit du privilège d’entendre tous les discours, récité le Dhamma tandis que le Vénérable Upâli récita le Vinaya. C’est ainsi que les Arahats de ce temps-là compilèrent et arrangèrent le Tipitaka sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. Vers l’an 83 avant J.C. sous le règne du pieux roi Wattagâmani-Abhaya, le grand Concile tenu à Aloka-Vihâra de Matale (à Ceylan) décidé de fixer l’Enseignement par l’écriture. C’est ainsi que, pour la première fois dans l’histoire du bouddhisme, le Tipitaka fut fixé par écrit sur des feuilles de palmier. Le Tipitaka qui contient l’essence de l’enseignement du Bouddha, fait environ 11 fois le volume de la Bible et forme en contraste marqué avec celle-ci car il ne comporte pas de développement progressif.

Comme son nom l’indique, le Tipitaka se compose  de trois Corbeilles : la Corbeille de la Discipline Vinaya Pitaka, la Corbeille des Discours Sutta Pitaka et la Corbeille de la Doctrine Ultime Abhidhamma Pitaka.

Le Vinaya Pitaka qui comprend 5 livres, est considéré comme le fondement du plus ancien ordre religieux connu, le Sangha. Il traite principalement des instructions et des statuts établis par le Bouddha quand l’occasion se présentait, en vue d’instaurer la discipline de l’ordre des moines Bhikkhus et les nonnes Bhikkhunis. On y trouve la description détaillée du développement du Sâsana (Dispensation), le récit de la vie et du ministère du Bouddha, des renseignement importants et intéressants concernant l’histoire ancienne, les arts et les sciences, les mœurs et coutumes de l’Inde etc.

Le Sutta Pitaka contient essentiellement les discours prononcés par le Bouddha en diverses occasions ainsi qu’un certain nombre de discours de quelques-uns de ses meilleurs disciples, les Vénérables Sâriputta, Moggallâna, Ananda etc. Ce recueil qui ressemble à un livre de préceptes, réunit des sermons dont l’explication varie suivant les circonstances et le tempérament de chacun.
A première vue, certaines déclarations peuvent sembler contradictoires mais il faut se garder d’une interprétation erronée, car elles étaient toujours prononcées par le Bouddha dans un but précis : à une même question, tantôt le Bouddha gardait le silence ( quand son interlocuteur voulait seulement satisfaire une curiosité stupide) tantôt il donnait une réponse détaillée ( quand il savait que son interlocuteur était un chercheur enthousiaste de la Vérité) La plupart des sermons, destinés surtout aux Bhikkhus, traitent de la vie sainte et de l’interprétation de la Doctrine. D’autres discours traitent des progrès matériels et spirituels des disciples laïques. Le Sutta Pitaka comprend 5 Nikâyas ou collections dont le 5ème se subdivise en 15 livres.

L’Abhidhamma Pitaka, le plus important et leplus intéressant des 3 corbeilles contient une profonde philosophie de l’enseignement de Bouddha à la différence du  Sutta Pitaka qui contient des discours simples et édifiants. Dans le Sutta Pitaka se trouve l’enseignement conventionnel alors que dans l’Abhidhamma Pitaka constitue un guide indispensable pour les sages et offre une nourriture intellectuelle aux personnes spirituellement évoluées, ainsi que des sujets de réflexion aux savants. On y trouve la définition de la conscience, la composition détaillée de chaque type de conscience, l’analyse et la classification des pensées, l’énumération des formations mentales, la description du processus de la pensée, l’explication sommaire de la matière, ses unités fondamentales, ses propriétés, son origine et sa relation avec l’esprit. L’analyse de l’esprit et de la matière, les deux composants de ce que l’on appelle un « être » aide à mieux comprendre la vraie nature des choses pour en dégager une philosophie, base d’un système éthique dont le but ultime est le nibbâna

Dans le Tipitaka, on trouve une nourriture spirituelle qui convient aux faibles comme aux forts, car le Bouddha prêchait sa doctrine aux masses aussi bien  qu’aux intellectuels. Le sublime Dhamma conservé dans ces textes sacrés, traite de faits et de vérité mais ne s »occupe pas de théories ni de philosophies qu’on accepte aujourd’hui comme des vérités profondes et qu’on renie le lendemain. Le Bouddha ne nous a pas donné de nouveau système de philosophie ni de nouvelle science sensationnelle. Il nous a expliqué tout ce qu’il estimait nécessaire à notre libération et nous a indiqué un chemin menant vers la fin de toute douleur. On pourrait cependant  dire qu’il a devancé bien des savants et philosophes modernes.
Schopenhauer dans « Le monde comme Volonté et Représentation » a exposé la vérité sur la souffrance et sa cause selon une conception occidentale. Spinoza, tout en ne niant pas l’existence d’une réalité permanente, affirme que toute existence permanente est transitoire. Il pense que, pour vaincre la souffrance, on doit « trouver un objet de connaissance non changeant, non éphémère, mais immuable, permanent et éternel » Berkeley a démontré que le soi-disant indivisible atome est une fiction métaphysique. Hume, après une analyse serrée de l’esprit, a conclu que la conscience est formée d’états mentaux passages. Bergon défend la doctrine du changement. Le professeur Jaims fait allusion à un courant deconscience.

Le bouddha avait expliqué ces doctrines de l’impermanence Anicca, de la souffrance Dukkha et du non-soi  Anatta, il y a plus de 2500 ans, alors qu’il séjournait dans la vallée du Gange.

Le Bouddha n’avait pas prêché tout ce qu’il savait. Un jour qu’il traversait une forêt, il prit une poignée de feuilles dans sa main et dit : « Ô Bhikkhus ! ce que je vous ai enseigné est comparable aux feuilles que je tiens dans ma main. Ce que je ne vous ai pas enseigné est comparable à toutes les feuilles de la forêt. »
Son enseignement n’avait en effet qu’un seul but spécifique, notre purification ;  aussi, ne faisait-il pas de distinction entre une doctrine ésotérique et une doctrine exotérique. Toutefois, les problèmes intéressant l’humanité mais n’ayant aucun rapport avec sa purification étaient délibérément écartés.

Certes, on peut dire que le Bouddhisme et la science s’accordent ensemble, mais comme  deux enseignements parallèles, puisque l’un traite uniquement de vérités morales et spirituelles, tandis que l’autre s’occupe de vérités matérielles. Le Dhamma du Bouddha n’est pas destiné à être conservé dans les livres ou étudié pour sa valeur historique et littéraire. Au contraire,chacun doit l’étudier et le mettre en pratique dans la vie de tous les jours et surtout le réaliser, car il permet de parvenir au but. Le  Dhamma est un radeau dont on sert pour s’échapper de l’Océan de la naissance et de la mort, le Samsâra.

On ne peut donc pas appeler le Bouddhisme une philosophie, étant donné qu’il  n’est pas seulement « l’amour de la sagesse, qui conduit à la recherche de celle-ci » Le Bouddhisme peut ressembler à une philosophie mais il est beaucoup  plus vaste. La philosophie s’intéresse surtout à la connaissance mais pas à la pratique, alors que le Bouddhisme insiste particulièrement sur la pratique et la réalisation.

 Chapitre 3

Est-ce une religion ?

Le Bouddhisme n’est pas non plus une religion dans le sens qu’in donne généralement à ce terme, car il n’est pas « un système de foi et d’adoration fondés sur l’allégeance à un être surnaturel. »

Le Bouddhisme n’exige pas une foi aveugle de la part de ses adeptes ; ici, la croyance pure et simple est remplacée par la confiance Saddhâ qui est basée sur la connaissance. La confiance qu’un fidèle place en Bouddha est comme celle d’un malade en son médecin ou celle d’un étudiant en son maître.

Bien qu’il cherche refuge dans le Bouddha comme Maître et guide, un bouddhiste est conscient qu’il doit travailler lui-même à sa libération. Il n’est pas dans le pouvoir d’un Bouddha de débarrasser les autres de leur impureté, de même, il n’est dans le pouvoir de personne de purifier ou de souiller une autre personne. Un bouddhiste ne fait ni de soumission servile ni ne sacrifie sa liberté de pensée, mais peut exercer librement sa volonté et développer sa sagesse jusqu’à devenir à son tour un Bouddha.

Le point de départ du Bouddhisme est le raisonnement ou la Compréhension Juste Sammâ Ditthi

A ceux qui cherchaient la vérité, le Bouddha disait :

-          Ne vous fiez point à des ouï-dire (en pensant : nous avons entendu dire ainsi depuis longtemps)
-          Ne vous fiez point à la tradition (en pensant : ceci nous a été légué depuis des générations)
-          Ne vous fiez point aux bruits et rapports ( en croyant ce que les autres disent est vrai)
-          Ne vous fiez point à l’autorité des textes religieux.
-          Ne vous fiez point aux suppositions.
-          Ne vous fiez point aux déductions.
-          Ne vous fiez point à la simple logique
-          Ne vous fiez point aux idées préconçues
-          Ne vous fiez point aux vraisemblances ( en pensant : l’interlocuteur semble noble, donc nous devons le croire).
-          Ne vous fiez point à ce que dit l’ascète ( en pensant : nous le respectons, donc il est sage d’accepter ses paroles)

- « Mais quand vous avez vu par vous-même : ces choses sont immorales, ces choses sont mauvaises ; ces choses sont blâmées par les sages, ces choses, quand elles sont exécutées et entreprises, conduisent à la ruine et à la souffrance, c’est alors que vous les repoussez

« Quand vous avez vu par vous-même : ces choses sont morales, ces choses ne sont pas blâmables, ces choses sont louées par les sages, ces choses, quand elles sont exécutées et entreprises, conduisent au bien-être et au bonheur, c’est alors que vous les pratiquez. »

Ces paroles du Bouddha conservent encore leur force et leur fraîcheur premières
La foi aveugle étant absente dans le Bouddhisme, un Bouddhiste n’adore pas l’image de Bouddha, il ne le « prie » pas non plus pour en obtenir des faveurs matérielles ou spirituelles. Les offrandes de fleurs et d’encens sont des gestes symboliques de respect et de gratitude. En rendant hommage à l’image du Bouddha se stimuler dans son esprit le désir de cultiver de telles qualités en lui-même. L’image du Bouddha ainsi que l’arbre Bodhi ( qui est également le symbole de l’Eveil) aident seulement à fixer l’attention mais ne sont absolument pas indispensables à une personne intellectuelle qui pourrait facilement concentrer son attention et « visualiser » le Bouddha.

Le Bouddha attendait de ses disciples moins des marques de respect que l’observance concrète de son Enseignement. Il disait : «  Celui qui pratique le mieux mon Enseignement m’honore le mieux ; qui voit le Dhamma me voit »

Le comte Kaiserling remarque : «  Je ne vois rien de plus noble en ce monde que l’image du Bouddha. Elle est là personnification parfaite de la spiritualité dans le domaine visible ? »

Les prières sous forme de supplications ou d’intercessions n’existent pas dans le Bouddhisme. Même si nous adressons des prières au Bouddha, nous n’en recevrons pas des faveurs ni ne serons sauvés pour autant. Au lieu des prières, il y a la méditation qui fortifie le cœur et l’esprit ; conduit au contrôle de soi, à la purification et à l’Eveil. Méditer ne signifie pas avoir l’esprit vide ou rêver, méditer c’est faire des efforts constants et réels. Selon le Bouddhisme, les prières sont inutiles et donne une mentalité servile. Un bouddhiste n’adresse pas de prière pour être sauvé, il compte sur lui-même pour parvenir à sa libération.

« Les prières prennent le caractère d’arrangements privés avec Dieu, de marchandages intéressés dont le but est la possession des biens terrestres, et qui exaltent le ses du « sois » La méditation en revanche, est la réforme de soi-même » (Sri RadhaKrishna)

Dans le Bouddhisme, il n’y a pas comme dans la plupart des autres religions, un Dieu Tout-Puissant qu’on doit craindre et servir. Le Bouddhisme nie l’existence d’un potentat cosmique omniscient et omniprésent, ainsi que celle de messagers porteurs de révélations divines. Un bouddhiste n’est pas l’esclave d’un quelconque pouvoir surnaturel qui, régissant sa destinée, le récompense ou le punit arbitrairement.

Cependant, on ne doit pas en déduire que le Bouddhisme dénigre les autres religions ; il ne prétend pas non plus qu’il détient le monopole de la Vérité. Le Bouddhisme ait surtout ressortir la dignité de l’homme et enseigne que la Libération de chaque individu est son œuvre personnelle, le but suprême que chacun peut atteindre par son propre effort.

Le Bouddhisme n’est donc pas exactement une religion, n’étant ni un système de croyance et d’adoration, ni les « rites  et cérémonies par lesquels les hommes montrent qu’ils reconnaissent l’existence d’un Dieu ou de dieux maîtres de la destinée du genre humain, et à qui obéissance, hommages et honneurs sont dus. »

Si, par religion on entend « un enseignement dont la vision de la vie est mieux que superficielle, un enseignement qui embrasse toute la vie et ne se contente pas seulement de l’observer, un enseignement qui donne à l’homme à l’homme une règle de conduite en accord avec cette vision, un enseignement qui permet à ses adeptes de faire face à la vie avec courage et à la mort avec sérénité » (Bhikkhu Silacara) ou un système qui permet de se débarrasser des maux de la vie, alors le Bouddhisme est certainement la religion des religions

Chapitre 4


Est-ce un système éthique ?

Le Bouddhisme contient un code éthique excellent, d’une parfaite attitude altruiste, qui prescrit une règle de vie aux moines et une autre aux laïques, mais il est beaucoup plus qu’un enseignement moral. La Moralité n’est que l’étape préliminaire sur le Chemin de la Pureté, un moyen d’atteindre le but, elle n’est pas elle-même le but. Bien qu’elle soit absolument essentielle, la Moralité ne permet pas de parvenir à la Libération, elle doit aller de pair avec la Sagesse ou Connaissant Parfaite (Panna) Le Bouddhisme a pour base la Moralité et pour sommet la Sagesse.

Un bouddhiste est tenu, non seulement de pratiquer ces principes moraux dans sa façon de vivre et de penser, mais aussi d’appliquer ces mêmes principes à l’égard de tous les êtres vivants sans exception, humains et animaux. La Moralité bouddhique qui n’a été ni fondée sur des révélations  discutables ni inventée par un esprit exceptionnel, constitue un code pratique et relationnel basé sur une vérité démontrable et l’expérience personnelle de chacun.

L’idée de récompense ou de châtiment étant rejetée par le Bouddhisme, aucune influence surnaturelle extérieure ne joue le moindre rôle dans le façonnement du caractère d’un bouddhiste. Conscient de sa responsabilité morale, celui-ci sait que le bonheur ou la souffrance qu’il éprouve sont les juste et inévitables conséquences de ses actions ; il ne se demande pas si par tel ou tel agissement il pourrait s’attirer les faveurs ou le courroux d’un Dieu. Ce n’est pas l’espoir d’être récompensé qui l’encourage à faire le bien ni la crainte d’être puni qui l’empêche de faire le mal. Il s’efforce de faire le bien pour pouvoir parvenir plus vite à l’Eveil (Bodhi) Toutefois certaines personnes font le bien parce que c’est moral et s’abstienne de faire le mal parce que c’est immoral.

Pour comprendre le haut degré de moralité qu’un vrai bouddhiste devrait atteindre, il est recommandé d elire le Dhammapada, le Sigâlovâda Sutta, le Vyagghapaija Sutta,  LE Mangala Sutta, le Karaniya Sutta, le Parâbhava Sutta, le Vasala Sutta, le Dhammika Sutta etc.

Le Bouddhisme est un enseignement moral qui surpasse tous les systèmes éthiques, la moralité n’étant que son point de départ, non son objectif.

Le Bouddhisme n’est pas une philosophie mais c’est la philosophie des philosophies.

Ce n’est pas une religion, mais c’est la religion des religions.

Ce n’est ni une voie métaphysique, ni une voie rituelle.
Il n’est ni sceptique, ni dogmatique.
Il n’encourage ni l’abandon aux plaisirs sexuels, ni l’abandon aux mortifications.
Il n’est ni pessimiste, ni optimiste, mais réaliste.
Il n’est ni éternaliste, ni nihiliste.
Il n’est ni de ce monde, ni de l’autre.
Il est la voie qui mène à l’Eveil.

Le terme pâli pour désigner le Bouddhisme est Dhamma, qui signifie littéralement « ce qui soutient »
Le Dhamma est la doctrine de la réalité. Il est un moyen de se délivrer de la souffrance, et il est lui-même de la Délivrance.

Que les Bouddhas apparaissent ou non, le Dhamma existe. Il reste seulement caché aux yeux des hommes aveuglés par l’ignorance, jusqu’au jour où un Bouddha, un Eveillé, par compassion, le révèle au monde.

Le Dhamma n’est pas quelque chose en dehors de soi. Ainsi le Bouddha exhortait-il : 
«  Demeurez en vous-même, comme une île, soyez à vous-même votre propre refuge. Faites du Dhamma votre île, votre refuge. Ne cherchez pas de refuge en-dehors de vous-même. »
(Parinibbâna Sutta)
Chapitre 5

QUELQUES CARACTERISTIQUES ESSENTIELLES DU BOUDDHISME

Les fondements du Bouddhisme sont les Quatre Nobles Vérités : la Souffrance, la Cause de la Souffrance (c’est-à-dire le Désir égoïste), la Cessation de la Souffrance (c’est-à-dire le Nibbâna) et la Voie Moyenne (qui conduit à la cessation de la Souffrance)

Quelle est la Noble Vérité sur la Souffrance ?
« La naissance est la souffrance, la vieillesse est la souffrance, la maladie est la souffrance, la mort est la souffrance, être uni à ce qu’on n’aime pas est souffrance, être séparé de ce qu’on aime est souffrance, ne pas avoir ce qu’on désir est souffrance. En résumé, les cinq Agrégats de l’Attachement sont souffrance »

Quelle est la Noble Vérité sur la Cause de la Souffrance ?
«  C’est le désir qui a le pouvoir de faire renaître, accompagné de convoitise, cherchant satisfaction ça et là ; c’est le désir des sens, le désir d’éternité et le désir d’annihilation. »

Quelle est la Noble Vérité sur la Cessation de la Souffrance ?
« C’est la cessation complète, l’extinction totale de ce désir, qu’on délaisse, dont on se détache, s’échappe et se libère. »

Quelle est la Noble Vérité qui conduit à la Cessation de la Souffrance ?
«  C’est le Noble Octuple Chemin qui est formé de : la Compréhension Juste, la Pensée Juste, la ¨Parole Juste, l’Action Juste, les Moyens d’Existence Justes, l’Effort Juste, l’Attention Juste, la Concentration Juste. »

Ces quatre Vérités sont présentes dans l’univers, cachées dans le ténébreux abîme des temps jusqu’au moment où les Bouddhas les révèlent. Interprété scientifiquement, le Dhamma pourrait être appelé la loi de la cause et de l’effet, qui constitue le noyau de l’enseignement du Bouddha.

Les trois premières Vérités représentent la philosophie du Bouddhisme et servent de base à la quatrième Vérité qui représente l’éthique du Bouddhisme. Les quatre Vérités forment l’enseignement tout entier ; le Bouddha a déclaré « Je vous le dis, c’est dans ce corps long d’une toise, avec ses perceptions et ses pensées, qu’est le monde, l’origine du monde, la cessation du monde et le chemin qui mène à la cessation du monde. »

Le Bouddhisme est certes fondé sur la souffrance, mais il ne faut pas en conclure qu’il est pessimiste. Sans être tout à fait pessimiste ni tout à fait optimiste, il enseigne une vérité qui se trouve à mi-chemin. Le Bouddha aurait pu être considéré à juste titre comme un pessimiste s’il avait seulement trouvé la vérité sur la souffrance, sans suggérer le moyen de la supprimer. Or, après avoir découvert le caractère universel de la souffrance, il a proposé un vrai remède pour guérir l’humanité de ce mal universel. Selon le Bouddha, le plus grand bonheur qui puisse se concevoir est le Nibbâna qui est l’extinction totale de la souffrance.
Dans l’Encyclopédie Britannique, l’auteur de l’article sur le pessimisme écrit : «  Le pessimisme dénote une attitude de désespoir devant la vie, une opinion vague et générale qui veut que le chagrin et le mal prédominent dans les affaires des hommes. En fait, la doctrine originelle du Bouddha est aussi optimiste que n’importe quelle autre doctrine optimiste de l’Occident. L’appeler pessimiste, c’est la considérer suivant une optique spécifiquement occidentale, selon laquelle le bonheur ne peut exister s’il n’y a pas de personnalité. Le vrai bouddhiste attend avec enthousiasme le jour où il se fondra dans la félicité éternelle. »

En général, la jouissance des plaisirs des sens constitue le plus grand ou l’unique bonheur de l’homme. Il y a certainement une sorte de bonheur momentané dans l’attente, la jouissance et le souvenir de ses plaisirs, mais ceux-ci sont illusoires et éphémères. Pour le Bouddha, l’absence d’attachement est une félicité plus grande.

Le Bouddha ne demande pas à ses disciples de méditer continuellement sur la souffrance et de mener une vie triste et misérable. Il les exhortait à être toujours contents et joyeux car la joie Piti est l’une des conditions de l’Eveil.

Le vrai bonheur se trouve en soi. Il ne consiste pas dans la satisfaction des désirs ou dans la possession matérielle. Parfois même, les possessions deviennent une source de souffrance et d’affliction, comme dans le cas des biens mal acquis, des richesses mal employées, des honneurs vains, des conquêtes dévastatrices ou des enfants auxquels on s’attache trop.

Au lieu de chercher à expliquer la souffrance, le Bouddhisme reconnaît son existence et en recherche la cause pour la détruire. La souffrance découlant du désir égoïste, le seul moyen d’y mettre fin est de suivre le Noble Octuple Chemin qui conduit à la béatitude du Nibbâna.

Ces quatre Vérités sont démontrées par l’expérience pratique. Le Dhamma du Bouddha n’est pas fondé sur la peur de l’inconnu mais sur des faits solides que chacun peut vérifier par lui-même. Le Bouddhisme est un système rationnel et surtout pratique qui ne contient ni mystère ni une  doctrine ésotérique. La foi aveugle lui est étrangère, il n’y a donc pas de coercition, de persécution ou de fanatisme. A l’honneur du Bouddhisme, on peut dire qu’au cours de sa marche paisible longue de plus de 2 500 ans, pas une goutte de sang n’a été versée au nom du Bouddha, pas un monarque ne s’est servi de son épée pour propager le Dhamma et pas une conversion n’a été faite par la force ou des méthodes répréhensibles. Le Bouddha fut pourtant le premier et le plus grand missionnaire qui ait vécu sur la terre.

Aldous Huxley écrit : «  Le Bouddhisme est la seule grande religion du monde qui ait fait son chemin sans employer la persécution, la contrainte ou  l’inquisition. »

Comme le remarque Lord Russel : « De toutes les grandes religions de l’histoire, je préfère le Bouddhisme, en particulier celui des premiers temps, parce qu’il ne contenait pas le moindre élément de persécution. »

Aucun lieu sacré n’a été rougi du sang de femmes innocentes, aucun penseur sincère ni aucun hérétique n’a été brûlé vif au nom du Bouddhisme, qui fait appel à l’intelligence plutôt qu’au sentiment et attache plus d’importance à la force de caractère de ses adeptes qu’à leur force numérique.
 Le Bouddha était si tolérant qu’il n’usait pas de son autorité pour donner des ordres à ses disciples laïques. Au lieu de commander, il exhortait en disant : » Il serait bon que vous fassiez ceci, il serait bon que vous ne fassiez pas cela. »
Le Bouddha étendait sa tolérance aux hommes, aux femmes et à tous les êtres vivants.
 Il fut le premier à tenter d’abolir l’esclavage et le système dégradant des castes qui avait toujours existé en Inde. Selon ses paroles, ce n’est pas par sa naissance qu’on est paria ou noble, c’est par ses actes qu’on le devient. La caste ou la race ne constituent pas des obstacles pour quiconque veut devenir un disciple du Bouddha ou entrer dans l’ordre monastique. Tous ceux qui le désiraient, fussent-ils pêcheurs, balayeurs de rues, courtisanes, guerriers ou Brahmanes, étaient admis librement dans la communauté religieuse où ils jouissaient des mêmes privilèges et occupaient les mêmes ranges et positions. De préférence aux autres disciples, Upâli le barbier fut choisi pour veiller à l’application des règles du Vinaya. L’humble balayeur de rues Sunita fut admis dans l’ordre par le Bouddha lui-même et devint plus tard un Arahat. Angulimâla, brigand et criminel, se repentit  et devint un saint au grand cœur, de même que le cruel Alavaka et la courtisane Ambapâli qui cherchèrent refuge dans le Bouddha et devinrent aussi des Arahats. De nombreux exemples semblables relevés dans le Tipitaka, montrent que la porte de la Vérité était grande ouverte à tous, sans discrimination de race, de caste ou de condition sociale.

Ce fut le Bouddha qui releva la condition des femmes opprimées à qui il fit prendre conscience de leur rôle dans la société. Ce fut aussi lui qui fonda pour elles le première communauté religieuse. Il ne les méprisait pas, il les considérait seulement faibles de nature. Il voyait le bien inné chez les hommes aussi bien que chez les femmes et dans son enseignement, il assignait à chacun la place qui lui revenait. Hommes et femmes avaient les mêmes chances de devenir des saints. Parfois, le terme Pâli employé pour désigner les femmes est Mâtugâma qui signifie mères ou société des mères. La mère tient une place honorable dans le Bouddhisme et l’épouse est considérée comme le « meilleur ami » de son mari.

Certaines personnes émettent des critiques hâtives et non fondées quand elles reprochent au Bouddhisme d’être défavorable aux femmes. Il est vrai que le Bouddha avait d’abord refusé d’admettre les femmes dans l’ordre. Mais par la suite, cédant aux instances de la mère adoptive Pajâpati Gôtami, il fonda la communauté des Bhikkhunis qui fut dirigée par les Arahats Khemâ et Uppalavannâ, comme la communauté des Bhikkhus avait à la tête les Arahats Sâriputta et Moggalâna.
De nombreuses autres femmes étaient appelées par le Bouddha ses disciples pieux et distingués.
Un jour, voyant le Kosala mécontent à l’annonce de la naissance de sa fille, le Bouddha dit : « Une fille, ô seigneur des hommes, peut être un meilleur rejeton qu’un fils »

Un grand nombre de femmes se distinguèrent et acquirent leur émancipation en suivant le Dhamma et en entrant dans l’ordre. Dans cette nouvelle communauté, reine, princesse, filles de familles nobles, veuves et mères affligées, femmes malheureuses, courtisanes, toutes étaient placées sur le même pied d’égalité, quelle que fût leur condition sociale. Elles trouvaient le réconfort et la paix dans cette atmosphère de liberté dont étaient privée la majorité des femmes qui, à cette époque étaient cloîtrées dans leurs foyers.

Le bouddha interdisait le sacrifice des animaux et exhortait ses disciples à dispenser leur amour universel Mettâ à tous les êtres vivants, même aux plus petites des créatures rampant sur le sol. Les humains comme les animaux sont dotés d’une vie précieuse que personne n’a le droit de détruire. Un Bouddhiste étend cet amour universel à tous les êtres vivants sans en exclure aucun.

C’est ce Mettâ bouddhique qui s’efforce de renverser les barrières qui séparent les hommes. Nous n’avons pas non plus le droit de repousser ou mépriser les autres parce que leur croyance ou leur nationalité est différente de la nôtre. Dans son Edit sur la Tolérance basé sur le Culla-Vyûha Sutta et le Maha-Vyûtta Sutta, le roi Asoka dit : «  seule la concorde est bonne, que tous veuillent bien écouter les doctrines des autres.

L’enseignement de Bouddha n’est réservé à aucun pays en particulier. Il est universel et non nationaliste, le nationalisme étant aussi un système de castes mais de forme différente et fondé sur une base plus large. Le Bouddhisme est, si on peut l’appeler ainsi, supranationaliste. Pour un bouddhiste, il n’y a ni proches ni éloignés, ni ennemis ni étrangers, ni renégats ni intouchables, car l’amour universel réalisé par la compréhension, établit la fraternité des hommes. Un vrai bouddhiste est un citoyen du monde qui considère la terre entière comme sa patrie et ses habitants comme ses frères. Le Bouddhisme est unique par son caractère tolérant, non agressif, rationnel, pratique efficace et universel. C’est un levier qui peut soulever le monde pour le délivrer de ses souffrances.

Telles sont quelques-unes des caractéristiques essentielles du Bouddhisme. Parmi les doctrines fondamentales ou peut distinguer : le Karma, la renaissance, Anatta et Nibbâna.
Chapitre 6

Le kamma ou la loi de causalité morale


Nous vivons dans un monde instable et mal équilibré où nous percevons les inégalités et les différences multiples qui existent entre les êtres humains. Nous voyons une personne née dans le luxe, douée de belles qualités mentales, morales et physiques, une autre née dans la pauvreté et le malheur. Tel homme, pieux et vertueux, est traqué toute sa vie par les échecs, la méchanceté et la misère alors que tel autre, corrompu et sot, est favorisé par la chance et jouit d’une vie heureuse.
Pourquoi les uns sont-ils faibles et les autres puissants ? Pour quelle raison certains sont-ils arrachés des bras de leur mère après avoir vécu seulement quelques étés ? Pourquoi certains meurent-ils à la fleur de l’âge tandis que d’autres vivent jusqu’à un âge très avancé. Pourquoi existe-t-il des maladies et des infirmes à côté des êtres sains et vigoureux ? Pourquoi y a-il des beaux et des laids, des riches et des pauvres, des heureux et des misérables. Pourquoi les uns sont-ils intelligents et les autres idiots, les uns saints et les autres criminels, les uns artistes, mathématiciens ou musiciens dès le berceau, les autres congénitalement aveugles, sourds ou contrefaits ? Pourquoi les uns sont bénis et les autres maudits dès leur naissance ?

Ce sont des questions qui rendent perplexe toute personne qui réfléchit. Y a-t-il une cause ou des causes à toutes  les inégalités ou cela est-il purement accidentel ? Aucune personne raisonnable n’attribuera cette différence, cette diversité au hasard aveugle ou à un simple accident. Si on croit que tout est le fait du hasard, on devrait également croire que ce livre s’est écrit tout seul. Rien n’arrive à l’homme qu’il ne mérite pour une raison ou pour une autre.

Ceci pourrait-il être le « fait » d’un créateur irresponsable ? Huxley écrit « Si nous devons supposer que quelqu’un a  intentionnellement mis en branle ce merveilleux univers, il est parfaitement clair pour moi que ce quelqu’un n’est pas plus bienveillant et juste, dans le sens exact des mots, qu’il n’est malveillant et injuste. »

Comme le dit Einstein : « Si cet Etre (Dieu) est omnipotent, alors tout ce qui se produit est son œuvre, y compris les actions, les pensées, les sentiments et les aspirations des hommes. Ceux-ci sont-ils donc responsables de leurs actes et de leurs pensées devant cet Etre Tout-puissant ? En distribuant châtiments et récompenses, il se jugerait lui-même dans une certaine mesure. Comment ceci peut-il se concilier avec l’idée de bonté et de vertu qu’on se fait de Lui » ?

«  D’après les principes théologiques dit Spencer Lewis, « l’homme est créé arbitrairement et sans qu’il le désire et au moment de sa création, il est béni ou maudit pour l’éternité. Ainsi, l’homme est bon ou méchant, heureux ou malheureux, noble ou dépravé, depuis le moment même où il a été conçu physiquement jusqu’à celui de son dernier souffle, sans qu’il soit tenu compte de ses désirs, de ses espoirs, de ses ambitions, de ses efforts ou de ses prières ferventes. Tel est le fatalisme théologique »

Pour Charles Bradlaugh, « L’existence du mal est une terrible pierre d’achoppement pour le théiste. La souffrance, le malheur, le crime, la pauvreté se trouvent confrontés au défenseur de la bonté éternelle, et constituent des arguments irréfutables qui mettent en doute sa déclaration selon laquelle Dieu est bonté, sagesse et toute-puissance. »
 Dans les paroles de Schopenhauer : «  Celui qui se considère comme venu du  néant, doit aussi penser qu’il retournera au néant. L’idée qu’une éternité s’est écoulée avant qu’il ne fut et qu’une seconde éternité commence, pendant laquelle il ne cessera d’exister, est inconcevable. Si la naissance est le commencement absolu, la mort doit donc être la fin absolue ; et la supposition que l’homme est issu du néant conduit nécessairement à la conclusion que la mort est sa fin absolue. »

Commentant les souffrances humaines et Dieu, J. B.  Haldane écrit : « Ou la souffrance est indispensable au perfectionnement du caractère humain ou  Dieu n’est pas tout-puissant. La première théorie est réfutée par le fait que certaines personnes qui ont connu très peu d’épreuves mais ont été favorisées par leur ascendance, leur milieu et leur éducation, possèdent cependant de nobles caractères. L’objection soulevée contre la deuxième théorie est que, concernant la création de l’univers, seul le postulat d’un Dieu permet de combler certaines lacunes de nos connaissances intellectuelles. Et un créateur pouvait vraisemblablement créer tout ce qu’il voulait. »

Lord Russel déclare : «  On nous dit que le monde a été créé par un Dieu à la fois bon et omnipotent. Avant de créer le monde, il avait prévu les souffrances et les misères que celui-ci contiendrait. Il est donc responsable de tout cela. Il est inutile de dire que toute la souffrance du monde est due au péché… Car, si Dieu connaissait à l’avance les péchés que l’homme commettrait, il était évidemment responsable de toutes les conséquences de ces péchés quand il avait décidé de créer l’homme. »

Dans « Désespoir », un poète écrit vers la fin de sa vie, Lord Tennyson attaque hardiment Dieu qui dit : «  Je fais la paix et crée le mal. »
« Quoi ! Irais-je invoquer cet amour infini qui nous a si bien traités.
Cruauté infinie plutôt, qui a créé l’enfer éternel,
A prévu notre destinée, nous a faits et condamnés
D’avance et agit comme elle l’entend. »

Assurément, «  La doctrine suivant laquelle tous les hommes sont des pêcheurs et portent en eux le péché d’Adam, est un défi à l’amour, à la miséricorde, à l’équité et à la justice toute-puissante. »

Certains écrivains de jadis affirmaient que Dieu a créé l’homme à son image. Certains penseurs modernes déclarent au contraire que c’est l’homme qui a créé Dieu à son image. Avec les progrès de la civilisation, l’idée que l’homme se fait de Dieu est aussi devenue de plus en plus affinée. Il est cependant impossible de concevoir qu’un tel Dieu puisse exister dans ou hors de l’univers.

Cette diversité relèverait-elle de l’hérédité et de l’influence du milieu – de l’inné et de l’acquis ? On doit admettre que les phénomènes physico-chimiques découverts par les avants sont partiellement les instruments, mais ils ne sont pas seuls responsables des distinctions subtiles et des grandes différences qui existent entre les individus. S’il en est ainsi, nous ne pouvons pas comprendre pourquoi deux jumeaux, qui sont physiquement semblables, ayant hérité des mêmes gènes et joui des mêmes privilèges d’éducation, sont très souvent totalement différents par leur caractère, leur moralité et leur intelligence. L’hérédité joue un rôle important mais elle explique mieux les similitudes que les différences. La cellule infinitésimale qui représente la cinquantième partie d’un millimètre, héritée de nos parents, n’entre en jeu que pour la formation physique de l’être humain.

Pour comprendre la diversité de mental, d’esprit et de moralité, nous avons besoin de plus d’éclaircissements ou de faire intervenir d’autres facteurs. La théorie de l’hérédité n’explique pas pourquoi un criminel peut descendre d’une longue lignée d’ancêtres honorables ni la présence d’un saint dans une famille corrompue ni l’existence d’enfants prodiges, de génie et de grands maîtres religieux.

Pour le Bouddhisme, cette diversité est due non seulement à l’hérédité et à l’influence du milieu « nature et culture » mais aussi à notre propre Kamma ou, en d’autres termes, à l’héritage de nos actions, passées et présentes. Nos sommes responsables de nos actes, de notre bonheur ou de notre malheur, nous créons notre enfer ou notre paradis, nous sommes les artisans de destin en résumé, nous sommes nous-mêmes notre Kamma.

Un jour, un jeune homme nommé Subba questionna le Bouddha au sujet des états bas et des états élevés des hommes. « Car », dit-il « Nous trouvons ceux qui ont une vie longue et ceux qui ont une vie courte, les vigoureux et les débiles, les beaux et les riches, les vils et les nobles, les stupides et les intelligents. »

Le Bouddha répondit brièvement : « tous les êtres vivants possèdent leur propre Kamma, il est leur héritage, leur cause congénitale, leur parenté, leur refuge. C’est le Kamma qui différencie les êtres dans leurs états bas ou élevés. »
Il explique ensuite la cause de ces différences et leur relation avec la loi de causalité morale.

Ainsi, selon le Bouddhisme, nos différences mentales, morales, intellectuelles et tempéramentales sont dues principalement à nos propres actions et tendances, passées et présentes. Kamma signifie littéralement action, dans son sens ultime, il signifie volitions, morales ou immorales, Kusala Akudala Cetanâ. Les volitions bonnes ou mauvaises constituant le Kamma, le bien engendre le bien, le mal engendre le mal. Ou, comme préfèrent le dire certains penseurs occidentaux, le Kamma est « action –influence »

Le Kamma est la loi de causalité morale ou loi de la cause et de l’effet sur le plan éthique. Kamma est l’action ( la cause) et Vipâka est le fruit ou réaction ( l’effet)

Pour mieux comprendre la loi du Kamma, prenons l’exemple du manguier : le Kamma ( la cause) peut être comparé au noyau de la mangue. La mangue, fruit de l’arbre né de ce noyau, est Vipâka (l’effet) Les feuilles et les fleurs… correspondent aux différences externes telles que santé, richesse, maladie, pauvreté etc… et sont les conséquences concomitantes inévitables. De même qu’une graine semée en sol fertile, germe et fructifie tôt ou tard suivant, sa propre nature, de même le Kamma produit son juste effet, maintenant ou plus tard.

Nous récoltons maintenant ce que nous avons semé dans le présent ou dans le passé ; nous semons maintenant ce que nous récolterons, soit dans cette vie, soit dans la vie suivante, soit dans une existence ultérieure. Dans un sens, nous sommes le résultat de ce que nous étions et serons le résultat de ce que nous sommes. Dans un autre sens, nous ne sommes pas totalement le résultat de ce que nous étions et ne serons pas absolument le résultat de ce que nous sommes. Par exemple, celui qui était hier un criminel peut devenir aujourd’hui un saint et celui qui est un saint maintenant peut se transformer et devenir un misérable pécheur.

 Le Bouddhisme attribue cette diversité au Kamma mais n’affirme pas que tout lui est dû. Si tout était dû au Kamma, un homme ayant un mauvais Kamma serait condamné à être toujours mauvais, et une personne, ayant un bon Kamma n’aurait pas besoin de consulter un médecin car chaque fois qu’elle tombe malade, elle recouvrerait sûrement la santé grâce à son bon Kamma.

Selon le Bouddhisme, il y a 5 ordres ou processus Niyâmas qui prévalent sur les plans physique et mental. Ce sont :
1 –Utu Niyâma, ordre physique inorganique : les phénomènes saisonniers des vents et des pluies, le changement des saisons etc.

2 –Bija Niyâma, ordre physique organique des germes et des graines : le riz produit par la graine, la saveur sucrée provenant de la canne à sucre ou du miel etc. . La théorie scientifique des cellules et des gènes et la similitude des traits des jumeaux peuvent  être attribué à cet ordre.

3 –Kamma Niyâma, ordre de l’action et du résultat les actes désirables ou indésirables produisent de bons et de mauvais résultats.

4 –Dhamma Niyâma, ordre de la norme : les phénomènes ayant lieu lors de la dernière naissance d’un Bodhisatta, la gravitation et autres lois similaires de la nature etc.

5 –Citta Niyâma, ordre de l’esprit ou loi psychique : le processus de la conscience, le pouvoir de l’esprit etc. Tous les phénomènes psychiques peuvent être classés dans cet ordre.

Tout phénomène psychique, mental ou éthique peut être expliqué par ces 5 ordres qui sont eux-mêmes des lois universelles. Le Kamma est donc l’une des 5 lois qui, ainsi que toute loi naturelle, ne nécessite pas un créateur de la loi mais opère par elle-même dans son propre champ, sans intervention de quelque agent dirigeant externe ou indépendant.

Personne par exemple n’a commandé au feu de brûler ou à l’eau de rechercher l’équilibre de son niveau ; Aucun savant n’a décidé que l’eau doit se compenser H2O et que le froid doit être l’une de ses propriétés.

Le Kamma n’est ni le destin ni la prédestination imposés par un pouvoir inconnu et mystérieux auquel nous devons nous soumettre aveuglément. C’est notre  façon d’agir qui réagit sur nous-mêmes. C’est pourquoi nous avons la possibilité de modifier largement le cours de notre Kamma.

Il faut rappeler que l’action du Kamma n’est pas liée à l’idée de récompense ou de châtiment, puisque le Bouddhisme nie l’existence d’un Souverain Pouvoir qui gouverne ses sujets et les récompense ou les punit suivant leurs mérites. Nous, bouddhistes, croyons fermement que nos joies et nos peines sont les conséquences naturelles et inéluctables de nos actions. La potentialité de produire son effet attendu est inhérente dans le Kamma qui est un principe actif, constant et invariable. La cause produisant l’effet et l’effet expliquant la cause, la graine produit le fruit et le fruit explique l’origine de la graine. Il y a inter-relation entre la graine et le fruit comme il y a inter-relation entre le Kamma et son effet, car « l’effet germe déjà dans la cause »
 « Ni dans le ciel, ni dans les profondeurs de l’Océan, ni dans une caverne de montagne, n’existe un endroit où l’homme puisse se réfugier pour échapper aux conséquences de ses mauvaises actions » (Dhammapada)

Chacun est-il forcé de récolter tout ce qu’il a semé en égale proportion ? Pas nécessairement. Dans le Anguttare Nikâya  le Bouddha répondit ainsi : « Si quelqu’un dit qu’un homme doit récolter suivant ses actions dans ce cas il n’y aura pas de vie sainte ni de possibilité offerte pour l’extinction entière de la souffrance. Mais si l’on dit que ce qu’un homme récolte est en rapport avec ses actions dans ce cas il y aura une vie sainte et une possibilité est offerte pour l’extinction entière de la souffrance. »

Nous ne sommes ni le maître ni le serviteur de notre Kamma. Même un homme très pervers peut, par son propre effort, devenir une personne vertueuse ; nous sommes toujours en train de devenir et ce devenir dépend de nos propres actions. Nous pouvons à tout moment chanter pour le meilleur ou pour le pire. Même le plus coupable ne  doit pas être découragé ou condamné en raison de sa mauvaise nature ; il doit être plaint, car nous qui le méprisons maintenant, nous avons été probablement dans une situation semblable à certains stades de nos existences. Ainsi que nous avons pu nous améliorer, lui aussi  se transformera peut-être plus rapidement que nous. Qui peut dire quel bon Kamma se trouve en réserve en chacun de nous ?

C’est cette doctrine du Kamma qui donne le réconfort, l’espoir, le sens de la responsabilité et le courage moral à un bouddhiste.

Quand l’imprévu arrive, quand il est confronté aux difficultés, aux échecs et aux épreuves, il sait qu’il est en train de recueillir les fruits de ses actions passées. Au lieu de céder au fatalisme et à l’inaction, il arrache les mauvaises herbes et sème les bonnes semences à leur place, car le futur est entre ses mains.

Un bouddhiste, convaincu de la loi du Kamma, ne prie personne pour être sauvé mais se repose sur lui-même pour sa Libération. Au lieu d’invoquer un agent surnaturel, il se reposera sur le pouvoir de sa volonté et s’efforcera toujours de travailler pour le bien de tous. Cette croyance dans le Kamma stimule ses efforts et ranime son enthousiasme, le rend toujours généreux, tolérant et attentif, l’encourage à faire le bien et à s’abstenir de ce qui est mauvais, sans craindre le châtiment et sans espérer de récompense. C’est aussi cette doctrine du Kamma qui apporte une explication au problème de la souffrance, au mystère de ce que les autres religions appellent destin ou prédestination et surtout à cause des inégalités dans la condition humaine.

D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Quand partons-nous ? Nous ne le savons pas. La seule chose dont nous soyons sûrs, c’est que nous devons partir.

Nos biens les plus précieux, nos parents, nos amis, ne nous suivront pas, non plus que ce  corps que nous appelons nôtre. Des éléments ils sont venus, aux éléments ils retourneront. Renommée vide et vaine gloire s’évanouissent dans l’air subtil.

Solitaires, nous errons dans cet Océan du Samsâra, secoués par les tempêtes, ballottés de-ci et de-là par notre propre Kamma, apparaissant ici comme un animal ou comme un homme, ailleurs peut-être comme un dieu ou comme Brahma.
Nous nous rencontrons et nous nous quittons, nous nous rencontrons de nouveau sans le savoir. Il est bien rare que ceux que nous rencontrons dans notre course errante, n’aient été à un moment ou un autre, une mère, un père, une sœur, un frère, un enfant.

« Si un homme » a dit le Bouddha, «  coupait toutes les herbes, les tiges, les branches et brindilles existant en Inde, et qu’il en fasse un monceau, en les disposant en tas de quatre pouces, et s’il disait pour chaque tas : « « Voici ma mère, voici la mère de ma mère », toutes les herbes, les tiges, les branches et les brindilles existant en Inde seraient épuisées avant qu’il ait dénombré toutes les mères de sa mère »

Ainsi, sommes-nous étroitement unis durant notre voyage dans le Samsâra.

Les vies innombrables que nous avons vécues et les souffrances infinies que nous avons endurées dans le passé sont telles que le Bouddha a déclaré :
« Si tous les ossements d’une seule personne cheminant dans le Samsâra étaient réunis et conservés, tous ces ossements entassés formeraient un monticule aussi élevé que le Mont Vepula. Longtemps vous avez souffert de la mort de votre père  et de votre mère, de vos enfants, de vos frères et de vos sœurs, endurant ces souffrances, vous avez versé vos larmes tout au long de ce chemin sans fin, et ces larmes sont plus abondantes que toute l’eau des quatre océans.
Longtemps votre sang a coulé quand vous étiez un bœuf, un buffle, un mouton, une chèvre… et que le boucher vous coupait la tête.
Longtemps vous avez été condamnés comme assassins, bandits de grands chemins, adultère et de vos corps décapités, le sang répandu sur ce chemin sans fin, est plus abondant que toute l’eau des quatre océans.
Longtemps, vous avez ainsi supporté les souffrances, supporté les tourments, supporté le malheur et rempli les tombes des cimetières, assez longtemps certainement pour être dégoûtés de toutes les formes d’existence, assez longtemps pour vous en détourner et vous en libérer à tout jamais. »
Chapitre 7

La re-naissance

Le Kamma est la loi de causalité morale, la re-naissance est son corollaire. Le Kamma et la re-naissance sont inter-reliés et tous deux sont des doctrines fondamentales du Bouddhisme.

Aussi longtemps que la force Kammique persiste, la re-naissance se poursuit, car ce qu’on appelle un « être » n’est que la manifestation temporaire visible de l’énergie invisible du Kamma. C’est ce Kamma, constitué par nos pensées, nos paroles et nos actions, qui accompagne le courant  de vie individuel comme l’ombre qui ne se sépare jamais de l’objet.  Tant qu’il y a accumulation du Kamma, la vie s’écoule ad infinitum. La mort n’est pas l’annihilation complète d’un être, elle est simplement la fin temporaire d’un phénomène physique temporaire. Bien que la vie organique ait cessé, la force qui jusqu’ici l’a propulsée, n’est pas détruite.

De même qu’une lumière électrique est la manifestation extérieure visible de l’énergie électrique invisible, de même, nous sommes la manifestation extérieure de l’énergie kammique invisible. L’ampoule électrique peut se casser et la lumière peut être éteinte, mais le courant persiste et la lumière peut reparaître dans une nouvelle ampoule.

De la même manière que la force kammique n’est absolument pas troublée par la désintégration du véhicule physique, la disparition de la conscience du passé est l’occasion de la naissance d’une nouvelle conscience dans la vie suivante. Mais rien d’immuable ni de permanent ne se transmet du passé au présent.

Le Kamma qui a sa racine dans l’Ignorance et le Désir Egoïste, est la cause de la re-naissance. Le Kamma passé à conditionné l’existence actuelle et le Kamma présent combiné avec le Kamma passé, conditionne l’existence future. Le présent est le fruit du passé et devient à son tour le parent du futur.

Si nous admettons qu’il y a une vie passée, présente et future, nous nous trouvons devant le soi-disant  mystérieux problème : «  Quelle est l’origine de la vie ? »

Y a-t-il  eu un commencement ou non ? En tentant de résoudre cette question, une école admet une cause première, c’est-à-dire Dieu, considéré comme un Etre Tout-Puissant ou une force. Une autre école nie une cause première, car l’expérience prouve que la cause devient toujours l’effet et que d’autre part, l’effet devient la cause. dans un cycle continu de cause et d’effet, une cause première est inconcevable. La première école affirme que la vie a eu un commencement alors que la deuxième école nie ce commencement.

Selon la science, nous sommes les produits directs de  la fusion des cellules spermatique et ovulaire de nos parents ; ainsi, toute vie provient d’une autre vie. Quant à l’origine du premier protoplasme de la vie, les savants ne sont pas en mesure de nous le faire connaître.

Selon le Bouddhisme, nous somme nés de la matrice de l’action Kammayoni – la cause du devenir- nos parents ne nous fournissant qu’une cellule infiniment petite. Ainsi, toutêtre précède un autre être. C’est le Kamma qui conditionne la conscience initiale au moment de la conception, introduisant ainsi la vie dans le fœtus.
Cette énergie kammique, invisible, déterminée par l’existence précédente, produit les phénomènes mentaux et le phénomène de la vie dans un réceptacle physique déjà existant. La combinaison de ces trois facteurs constitue l’homme.
Pour qu’un être naisse ici, il faut qu’un être meurt quelque part. la naissante d’un être ou dans un sens strict, l’apparition des cinq agrégats ou des phénomènes psychologiques dans cette vie présente, signifie la mort d’un être dans une vie précédente, tout comme, en termes conventionnels, le lever du soleil dans un endroit signifie le coucher du soleil dans un autre endroit. On comprendra mieux cette déclaration énigmatique si on se représente la vie comme une vague, non comme une ligne droite.

Naissance et mort ne sont que deux phases d’un même processus. La naissance précède la mort, mais d’autre part, la mort précède la naissance. Cette succession constante de vie et de mort, en corrélation avec chaque courant de vie individuel, constitue ce qu’en terme technique on nomme Samsâra ou, cycle des re-naissances.

Quelle est l’origine de la vie ? Le Bouddha a dit : « Sans fin concevable est ce Samsâra. L’origine première des êtres qui, aveuglés par l’ignorance et enchaînés par le désir égoïste, errent et passent sans fin, ne peut être déterminée. »

Ce courant vital continuera toujours de couler, tant qu’il sera alimenté par les eaux impures de l’ignorance et du désir égoïste. Il ne cessera de couler que lorsque  ces deux sources seront complètement taries. Alors la re-naissance prendra fin, comme dans le cas des Bouddhas et des Arahats, puisqu’ils ont détruit toutes les impuretés et que pour eux « les semences des germes sont détruites, les racines du Kamma ont été extirpées » (Ratana Sutta)

L’origine première de ce courant vital ne peut être déterminée car  il ne peut être trouvé aucun commencement à ces deux sources-causes, l’ignorance et le désir égoïste.

Le Bouddha a mentionné uniquement la cause première du courant vital des êtres vivants. Il appartient aux savants de spéculer sur l’origine et l’évolution de l’univers. Le Bouddhisme n’a pas la prétention de résoudre tous les problèmes éthiques et philosophiques qui intéressent l’humanité, il ne s’occupe ni de théories ni de spéculation vaines, qui ne soient pas constructives et ne mènent pas à la Vérité. Il ne demande pas non plus à ses adeptes une croyance aveugle en un dogme concernant la cause première. Il a un but spécifique et pratique : la cessation de la souffrance. E t n’ayant que ce but essentiel en vue, il veut ignorer tous les à-côtés qui lui seraient étrangers.

Quelle raison avons-nous de croire qu’il existe une vie antérieure ? Le témoignage le plus valable que les bouddhistes citent en faveur de la re-naissance est celui du Bouddha qui avait acquis une connaissance lui permettant de percevoir les  existences passées et futures. Il déclarait : « Dans une vision clairvoyante, purifiée, supranormale, je voyais l s êtres disparaître d’un certain état et renaître dans une autre. Je distinguais les vils et les nobles, les beaux et les laids, les heureux et les misérables, tous cheminant selon leurs actions. »
Grâce à son enseignement, ses disciples purent acquérir cette faculté et furent capables, à un haut degré de déchiffrer leurs vies passées.

Même avant l’époque du Bouddha, certains Rishis de l’Inde, étaient aussi réputés pour leur pouvoir de clairvoyance, de clairaudience, de lecture de pensées, de souvenir des existences passées.
 Il y a également des gens qui, probablement à cause des liens du passé, se rappellent leurs vies antérieures d’une manière subite et inexplicable. Mise en état d’hypnose, certaines personnes racontent des épisodes de leurs existences passées ; d’autres déchiffrent les vies passées des autres et guérissent même des malades.

Parfois, nous voyons des cas étranges qui ne peuvent être expliqués que par la re-naissance. Souvent, nous faisons la connaissance de personnes que nous n’avons jamais rencontrées, et pourtant, nous avons le sentiment qu’elles nous sont tout à fait familières. Souvent aussi, nous visitons des lieux où nous ne sommes jamais allés, et pourtant, nous avons l’impression de les connaître parfaitement, ainsi que leurs environs.
Le Bouddha disait : «  A cause des liens du passé et des intérêts présents, ce vieil amour renaît, comme le lotus dans l’eau. »

Les expériences des psychologues modernes dignes de confiance, les phénomènes de possession, les communications avec les esprits, les observations étranges de personnalités multiples et alternantes qui ont été faites, jettent une certaine lumière sur ce problème de la renaissance.

Dans ce monde naissent des êtres parfaits comme les Bouddhas ainsi que les personnages d’une haute spiritualité. Leur évolution s’est-elle faite soudainement ? Un tel degré d’élévation peut-il se faire dans une seule existence ?

Comment pouvons-nous expliquer l’apparition de personnages exceptionnels comme Confucius, Panini, Bouddhaghosa, Homère et Platon, de génies comme Shakespeare, Dante et Beethoven, d’enfants prodiges comme Ramanujan, Mozart, Pascal et Raphaël ? L’hérédité seule ne peut expliquer ces dons extraordinaires « autrement, on les aurait décelés chez leurs ancêtres et leurs descendants les auraient développés en étant encore plus remarquables qu’eux. » Auraient6ils pu atteindre des sommets si sublimes s’ils n’avaient déjà vécu de nobles vies et acquis leur expérience dans le passé ? est-ce le hasard qui les a fait naître de leurs parents et les a placés dans des circonstances si favorables ?

La théorie de l’hérédité doit être complétée par la doctrine du Kamma si on veut avoir une solution acceptable de ces problèmes embarrassants.

Est-il raisonnable de penser que ce court laps de temps actuel soit notre seule existence entre deux éternités de bonheur ou de misère ?  Les quelques années que nous avons le privilège de passer ici-bas, une centaine au maximum, sont une préparation bien suffisante à l’éternité.

Si l’on croit à la vie présente et à la vie future, il est logique de croire à la vie passée. Il n’y a pas de raison de douter que nous continuerons d’exister dans une vie future, après que notre vie présente aura apparemment cessé.

C’est aussi un argument puissant en faveur des vies passées et futures que « en ce monde, les personnes vertueuses sont très souvent malheureuses tandis que les méchants prospèrent. »

Nous sommes donc nés dans un état qui a été créé par nous-mêmes. Si, malgré nos vertus, nous avons une vie malheureuse, cela est dû à notre mauvais Kamma. Si, en dépit de notre méchanceté, nous avons une vie heureuse, cela est également dû à notre bon Kamma passé.
Nos actions présentes auront à leur tour, toutes les conséquences à la première occasion possible. A tout moment, nous avons la possibilité de créer un nouvel environnement et de modeler un nouveau Kamma qui tend soit à notre progrès, soit à notre perte, dans notre course vagabonde dans le Samsâra.

Comme le dit un penseur occidental : «  Que nous croyions ou non à des existences antérieures, c’est pourtant la seule hypothèse raisonnable qui permette de combler certaines lacunes du savoir humain concernant des faits de la vie de tous les jours. Notre raison nous dit que cette hypothèse de la re-naissance et du Kamma peut seule expliquer les différences qui existent entre les jumeaux, le fait que les hommes comme Shakespeare, n’ayant qu’une expérience très limitée, soient capables de dépeindre avec une merveilleuse exactitude les types les plus divers du caractère humain  et de décrire des scènes dont ils n’ont pu avoir aucune connaissance réelle ; expliquer pourquoi l’œuvre de l’homme de génie transcende toujours son expérience.  Elle peut aussi nos donner une explication valable de l’existence d’enfants prodiges, de la grande diversité d’esprit et de moralité, de mental et de physique dans des conditions, des circonstances et des milieux observés partout dans le monde. »

Il faut dire qu’on ne peut ni démontrer ni réfuter cette doctrine de la re-naissance par l’expérience, mais qu’on l’accepte comme un fait véritable.

Ce qui produit le Kamma est l’ignorance des Quatre Nobles Vérités – Avijjâ -  cause de la naissance et de la mort. La connaissance – Vijjâ – est leur cessation. Cette méthode analytique est exposée dans le Paticca Samuppâda.

Chapitre 8

PATICCA SAMUPPADA

Paticca signifie « à cause de » ou « dépendant de »
Samuppâda signifie « naissance » ou « origine »
Paticca Samuppâda signifie donc « naissance dépendante ou subordonnée » ou « origine dépendante ou subordonnée »
Paticca Samuppâda est simplement un discours sur le Samsâra ou sur le processus de la naissance et de la mort, et non une théorie sur l’évolution du monde depuis la matière primordiale. Il traite de la cause de la re-naissance et de la souffrance mais n’entreprend absolument pas de montrer l’origine absolue de la vie.
L’ignorance (Avijjâ) est le premier chaînon ou cause de la Roue de la vie. Elle obscurcit toute compréhension juste :
De cette Ignorance des Quatre Nobles Vérités naissent les Activités Volitives (Samkhâra) morales ou immorales. Ces Activités qui sont enracinées dans l’Ignorance, portent nécessairement en elles leurs effets propres et tendent à prolonger l’errance continuelle dans le Samsâra. Cependant, les bonnes actions sont essentielles pour se débarrasser des malheurs de cet Océan des existences.

Des Activités Volitives naît la conscience de RE-naissance (Vinnana) qui relie le passé du présent.

Simultanément, à l’éveil de cette Conscience de Re-naissance naissent l’Esprit et la Matière (Nâma-Rûpa) ou le Mental et le Corporel.

Les Six Sens (Salâyatana) sont la conséquence inévitable de l’Esprit et de la Matière.

Des Six sens naît le Contact (Phassa)

Le contact détermine la Sensation (Vedanâ)

La conscience de Re-naissance, l’Esprit et la Matière, les Six Sens, le Contact et la Sensation sont les effets des actions passées et sont appelés le côté passif de la vie

Des Sensations naît le Désir égoïste ( Tanhâ)

Du Désir naît l’Attachement (Upâdâna)

L’Attachement cause le Kamma (Bhava) qui à son tour, conditionne la future Naissance (Jâti)

La Vieillesse et la Mort (Jarâmarana) sont le résultat inévitable de la Naissance.

Si, en conséquence d’une cause, un effet se produit, si la cause cesse, l’effet aussi doit cesser.

La préparation du Patica Samuppâda dans l’ordre inverse rendra l’exposé plus clair :
La Vieillesse et la Mort sont seulement possibles dans et avec un organisme physico-chimique, c’est-à-dire une machine à 6 sens. Un tel  organisme doit être né et présuppose donc une naissance qui est le résultat inévitable des actions passées ou Kamma. Le Kamma lui-même est conditionné par l’Attachement qui est dû au désir égoïste. Le désir ne peut se produire que s’il y a sensation et la sensation est le résultat du contact entre les sens et leur objet. Le contact présuppose des organes des sens qui ne peuvent exister sans l’esprit et la matière. Là où il y a un esprit, il y a une conscience de re-naissance qui est le résultat de nos activités passées, elles-mêmes dues à l’ignorance de la vraie nature des choses.

La formule entière peut être résumée ainsi :

De l’Ignorance naissent les Activités  Volitives morales ou immorales.

Des Activités Volitives naît la conscience de Re-naisssance.

De la Conscience de Re-naissance naissent l’Esprit et la Matière.

De l’Esprit et de la Matière naissent les Six Sphères des sens

Des Six Sphères des sens naît le Contact

Du Contact naît la Sensation

De la Sensation naît le Désir égoïste

Du Désir égoïste naît l’Attachement

De l’Attachement naissent les Actions (Kammabhava)

Des Actions provient la Naissance

De la Naissance proviennent la Décrépitude, la Mort, la Souffrance, les Lamentations, la Douleur, le Chagrin et le Désespoir.

Ainsi naît toute la masse de la Souffrance du monde. Les 2 premiers chaînons appartiennent au Passé, les 8 médians au Présent et les 2 derniers à l’Avenir.

Si nous cherchons maintenant la voie qui conduit à l’extinction de la Souffrance, nous pouvons dire :
La Cessation de l’Ignorance conduit à la Cessation des Activités.

La Cessation des Activités conduit  à la cessation de la Conscience de Re-naissance.

La cessation de la Conscience de Re-naissance conduit à la cessation de l’Esprit et de la Matière.

La cessation de l’Esprit et de la Matière conduit  à la cessation des Six Sphères des sens.

La cessation des Six Sphères des sens conduit à la cessation du Contact

La cessation du Contact conduit à la cessation de la Sensation.

La cessation de la Sensation conduit à la cessation du Désir égoïste.

La cessation du Désir égoïste conduit à la cessation de l’Attachement.

La cessation de l’Attachement conduit à la cessation des Actions

La cessation des Actions conduit à la cessation de la Naissance.

La cessation de la Naissance conduit à la cessation de la Décrépitude, de la Mort, de la Souffrance,  des Lamentations, de la Douleur, du Chagrin et du Désespoir.

Ainsi s’éteint toute la masse des souffrances du monde

Ce processus de causes et d’effets continue ad infinitum. Le début de ce processus est impossible à déterminer, car nous ne savons pas quand le flux de vie fut embrassé par l’ignorance. Mais quand cette ignorance est changée en Connaissance Parfaite (Sagesse) et le flux de vie est recréé en Nibbâna-Dhâtu alors le cycle de Re-naissance, du Samsâra s’arrête.


 Chapitre 9

ANATTA OU NON-SOI


La doctrine bouddhique de la re-naissance doit être distinguée de la théorie de la réincarnation qui implique la transmigration d’une âme dans une nouvelle enveloppe physique, car le Bouddhisme n’admet pas l’existence d’une âme immuable et éternelle créée par un Dieu ou émanant d’une Essence Divine (Paramâtma)

Si l’âme, qui est supposée être l’essence de l’homme est immortelle, il ne peut exister ni élévation ni abaissement. Dans ce cas, il est difficile de comprendre pourquoi les âmes sont si différentes dès l’origine.

Pour prouver qu’il y a une félicité sans fin dans un paradis éternel et des tourments sans fin dans un enfer éternel, une âme immortelle est absolument indispensable. Sinon qui est puni en enfer ou récompensé ou paradis ?

« Il faut dire » écrit B. Russel « que la distinction faite entre l’âme et le corps s’est bien réduite, parce que la matière a perdu de son unicité comme l’esprit a perdu de sa spiritualité ; la psychologie commence seulement à devenir scientifique. Et au stade où se trouve actuellement la psychologie, la croyance en l’immortalité ne peut en aucune cas revendiquer l’appui de la science »

Les bouddhistes sont du même avis que Russel quand il dit : « En effet, il y a une raison de croire que je suis la même personne que celle que j’étais hier, et pour prendre un exemple encore plus frappant, si en même temps, je vois un homme et que je l’entends parler, il est juste de dire que le « moi » qui voit est le même que le « moi » qui entend »

Il n’y a pas si longtemps encore, les savants croyaient que l’atome était indivisible et indestructible. «  Les physiciens ont trouvé de bonnes raisons pour réduire cet atome en une série de forces ; pour d’autres raisons aussi bonnes, les psychologues trouvent que l’esprit n’est pas une chose unique et continue, mais qu’il  est constitué par une succession  d’énergies étroitement reliées les unes aux autres. La question de l’immortalité est donc devenue la question de savoir s’il y a aussi inter-relation entre les énergies d’un corps vivant et les énergies qui apparaissent, après que ce corps aura cessé de vivre »

Dans « Le sens de la vie », C.E. M. Joad dit : « Nous avons vu la matière se désintégrer sous nos propres yeux, elle n’est plus compacte, elle n’est plus durable, elle n’est plus déterminée, par les lois causales impérieuses, et ce qui est plus important que tout, elle ne nous est plus connue. Ces soi-disant atomes sont eux-mêmes divisibles. Les électrons et les protons qui composent les atomes peuvent s’unir et s’annihiler mutuellement, tandis que leur persistance, si on peut l’appeler ainsi, est plutôt celle d’une vague sans limites fixes et changeant continuellement de forme et de position, que celle d’un objet défini. »

L’évêque Berkley qui a démontré que ce soi-disant atome est une fiction métaphysique, affirmait qu’il existe une substance spirituelle appelée âme.

Hune, par une étude de la conscience, découvrit qu’il n’y avait là rien d’autre que des états mentaux passagers et conclut en disant que le « permanent ego » supposé n’existait pas.
 « Certains philosophes », dit-il, « s’imaginent qu’à chaque instant nous sommes conscients de ce que nous appelons notre « moi », que nous sentons son existence et sa continuité dans l’existence, et que nous sommes certains, à la fois de sa parfaite continuité et de son unicité. Quant à moi, lorsque j’entre d’une façon plus intime dans ce que j’appelle mon « moi » je trébuche  toujours sur une perception ou une autre, perception de chaleur ou de froid, de lumière ou d’ombre, d’amour ou de haine, de souffrance ou de plaisir. Je ne me rejoins jamais, je ne puis jamais observer autre chose que des perceptions et je ne conçois pas ce qu’il faudrait de plus pour faire de moi une parfaite non-entité »

Bergon dit : «  Toute conscience a son existence dans le temps et un état de conscience n’est pas un état qui dure sans changement ; il est un perpétuel changement, quand le changement cesse, il cesse ; il n’est lui-même rien d’autre que le changement. »

Watson, psychologue bien connu, déclare : Personne n’a jamais touché une âme ou n’en a vu une dans une éprouvette ou n’a été en contact avec elle comme avec des objets usuels. Cependant, celui qui doute de l’existence de l’âme est un hérétique ; et il fut un temps où ce doute pouvait lui coûter la vie. Même aujourd’hui, un homme occupant une certaine position n’oserait pas discuter de cette question »

Le professeur James, en traitant de cette question de l’âme, dit : » La théorie de l’âme est complètement superflue, comme on peut le voir d’après les faits dûment vérifiés de l’expérimentation de la conscience. Personne n’est obligé d’y souscrire pour des raisons scientifiques définies. » En conclusion de son intéressant chapitre sur l’âme, il dit : » Et dans ce livre, la solution provisoire à laquelle nous sommes parvenus, doit être le mot final : les pensées sont elle-même les penseurs. »

Le Bouddha avait déjà proposé ces explications il y a plus de 2.500 ans.

Selon le Bouddhisme, ce qu’on appelle un « être » est composé d’esprit et de matière (Namâ-Rûpa) La matière est simplement la manifestation de forces et de qualités qui sont dans un état de mouvement constant. L’esprit n’est également qu’un assemblage complexe d’états mentaux fugitifs. Chaque unité de conscience se compose de trois phases : phase génétique ou apparition (Uppâda), phase statique ou évolution (Thiti) phase de cessation ou dissolution (Bhanga) Immédiatement après la cessation d’un moment-pensée, survient l’apparition du moment-pensée suivant. De même que la roue ne repose sur le sol que par un seul point, de même l’être ne vit que pendant un seul moment-pensée. Il est toujours dans le présent, et cependant, il est en train de glisser dans le passé irrévocable. Chaque moment de conscience de ce processus vital en perpétuelle évolution, en disparaissant, abandonne à son successeur toute son énergie et toutes ses impressions indélébilement marquées. Chacun des moments de conscience successifs se compose donc de potentialités de ses prédécesseurs et de quelque chose de plus.

Il y a ainsi un courant de conscience continu, semblable à un flux ininterrompu. La pensée qui suit n’est pas tout à fait la même que celle qui précède, puisque sa composition n’est pas identique, ni pourtant entièrement différente, puisqu’elle est la même continuité de l’énergie Kammique. Ici, il n’y a pas de similitude mais un processus identique.

A chaque moment il y a naissance, à chaque moment il y a mort. L’apparition d’un moment-pensée entraîne la disparition d’un autre moment-pensée et vice versa. Au cours d’une vie, il y a re-naissance momentanée mais pas d’âme.
Il ne faut pas se méprendre en pensant que la conscience est coupée en morceaux joints les uns aux autres, comme dans un train ou une chaîne. Au contraire, « elle s’écoule sans cesse comme une rivière recevant de ses ruisseaux tributaires de perception, un accroissement constant de flux, et dispensant continuellement au monde extérieur, la matière-pensée qu’elle ait accumulée » La naissance est la source et là est son embouchure. La rapidité de ce courant est telle qu’il n’existe guère de mesure adéquate pour la mesurer, même approximativement. Néanmoins, des commentateurs aiment à dire que la durée d’un moment-pensée est moindre que la billionième partie d’un éclair.

Nous trouvons ici une juxtaposition d’états mentaux passagers de conscience, en opposition à une superposition d’états analogues, comme certaines personnes semblent le croire. Aucun état de conscience, une fois disparu, ne revient et n’est absolument semblable à ce qu’il était auparavant. Ces états continuellement et ne demeurent jamais identiques pendant deux moments consécutifs. Mais nous qui vivons dans le monde et dont la compréhension est obscurcie par le voile de l’illusion, nous prenons à tort cette continuité apparente pour quelque chose d’éternel, et étendons cette idée jusqu’à mettre dans cette conscience toujours changeante, une âme immuable, une Atta, un « moi » supposé qui est à la fois acteur et récepteur de toutes les actions.

« Ce qu’on appelle « être » est semblable à un  éclair constitué paru une succession d’étincelles qui se suivent avec une telle rapidité que la rétine humaine est incapable de les percevoir séparément ; de ce fait, les gens ignorants ne peuvent arriver à concevoir qu’elles sont une série d’étincelles séparées.

De la même manière, il n’existe  aucune âme permanente résidant dans ce qu’il est convenu d’appeler un « être » qui n’est en réalité, qu’une simple combinaison de cinq agrégats.

Nous voyons dans l’océan une vaste étendue d’eau, mais les eaux de cet océan sont composées de gouttes innombrables. La plage est constituée par un nombre infini de particules de sable, mais elle apparaît comme une longue bande unie. Les vagues se soulèvent et se brisent sur le rivage, mais pas une seule vague, née de la haute mer, ne vient perdre son identité sur le rivage.

On ne peut pas dire que le parfum d’une fleur se trouve  sur les pétales ou dans le pistil ou dans la couleur, car le parfum est dans toute la fleur.

De la même façon, un individu déterminé est la combinaison de ces cinq agrégats.

Le Bouddhisme ne nie pas totalement l’existence d’une personnalité dans un sens empirique, il veut seulement montrer qu’elle n’existe pas en réalité. Le terme philosophique bouddhique pour désigner un individu est Santati – un flux ou une continuité de phénomènes psycho-physiques, qui est conditionné par le Kamma, n’est pas limité uniquement à la vie présente. Ayant sa source dans le passé sans commencement et sa continuation dans le futur sans fin, il est le substitut bouddhique du « soi » permanent ou de l’âme immortelle des autres religions.
Cette doctrine du non-soi, de la non-âme (anatta) est l’une des caractéristiques essentielles du Bouddhisme.

Comment la re-naissance est-elle possible sans qu’il existe une âme à renaître ? A vrai dire, rien ne renaît. Quand la vie cesse, l’énergie kammique se re-matérialise dans une nouvelle enveloppe physique. « Invisible, elle disparaît et se re-manifeste visiblement lorsque des conditions appropriées se présentent. Ici, se montrant sous la forme d’un moucheron ou d’un ver, ailleurs faisant connaître sa présence magnifique et éblouissante entant que Deva ou Archange. Quand l’une de ses manifestations matérielles meurt, elle meurt aussi, pour se révéler de nouveau sous un autre nom ou une autre apparence, à la première occasion favorable (Bhikkhu Silacara)

Selon le Bouddhisme, la naissance est simplement la manifestation dans un être, des cinq agrégats. De même que l’apparition d’un état physique est conditionnée par un état physique antérieur qui en est la cause, de même la manifestation des phénomènes psycho-physiques est conditionnée par des causes antérieures à la naissance.
Le processus actuel de « devenir »é est le résultat d’un désir de  « devenir » dans la vie précédente et l’actuel désir instinctif de « devenir » conditionnera la vie dans une naissance future.

De même qu’un processus de vie est possible sans qu’il y ait une entité permanente pour passer d’un moment-pensée à un autre, de même une succession de processus de vie est possible sans que quelque chose transmigre d’une vie à une autre.

Lorsque l’enveloppe physique périt, la conscience ne meurt  que pour donner immédiatement naissance à une nouvelle conscience dans une nouvelle vie. Cette conscience renouvelée hérite de toutes les expériences passées. La continuité du flux est ininterrompue dans le temps et il n’y a pas de rupture dans le courant de la conscience.

De la même manière, lorsqu’un être meurt, sa force Kammique renaît dans un autre être, et cet être nouveau est conditionné par le Kamma de l’être qui l’a précédé. le nouvel être n’est absolument pas le même que le précédent, puisque les agrégats qui le composent ne sont pas identiques ; ni entièrement différent, puisqu’il fait partie du même courant d’énergie Kammique. Il y a seulement une continuité du flux vital, et rien d’autre.
Chapitre 10

NIBBANA

Ce processus de naissance et de mort continue ad infinitum, jusqu’à ce que le flux soit recréé en Nibbâna-Dhâtu, le but ultime des bouddhistes.

Le mot pâli Nibbâna est formé de la particule négative Ni et de Vâna qui signifie « tissage » ou « désir » Ce désir est comme une corde qui relie une existence à une autre.

« Il est appelé Nibbâna pars ce qu’il est l’évasion du désir égoïste, appelé Vanâ. »

Littéralement Nibbâna signifie absence d’attachement. Quand toutes les formes du désir sont détruites, l’énergie Kammique cesse d’agir, la ronde des existences s’arrête et le Nibbâna est réalisé. La conception bouddhique de la Délivrance est l’évasion de ce cycle sans fin de la vie et de la mort, pas simplement l’évasion du péché et de l’enfer.

En un sens, le Nibbâna est aussi expliqué comme l’extinction du feu du Désir Lobha, de la Haine Dosa et de l’Illusion Moha.

« Le monde entier est en flammes » a dit le Bouddha. « Par quel feu est-il embrasé ? Par le feu du désir, par le feu de la naissance, de la vieillesse, de la mort, de la souffrance, des lamentations, de la douleur, du chagrin et du désespoir, il est embrasé. »

Cependant, le Nibbâna n’estpas un simple fait d’extinction ou de cessation. L’extinction de ces flammes ne constitue qu’un moyen d’atteindre le but final.

Le Nibbâna bouddhique n’est pas non plus le néant ou un état qui est annihilé, du fait que nos cinq sens ne nous permettent pas de le percevoir. Le croire ainsi serait aussi illogique que d’affirmer que la lumière n’existe pas, du fait que l’aveugle ne peut pas la percevoir. Dans l’histoire bien connue du poisson et de la tortue, cette dernière qui pouvait vivre indifféremment dans l’eau et sur la terre, ne parvenait pas à faire comprendre à son compagnon la vraie nature de la terre ferme, mais celui-ci qui ne connaissait pas d’autre univers que la mer, ne pouvait pas imaginer qu’il existait un autre élément que l’eau. Finalement, le poison arrêta la conversation en déclarant triomphalement que la terre n’existait pas.

Il n’est pas possible de donner une définition exacte du Nibbâna en termes conventionnels. Il ne peut pas être décrit, il peut seulement être réalisé. «  Il est un était qui est non-né, non-produit, non-créé, non-formé » Contrairement au Samsâra, il est éternel Dhuva, désirable Subba et heureux Sukka. Dans le Nibbâna, rien n’est « éternisé » et rien n’est anéanti. Seule la souffrance est anéantie.

Le Nibbâna est la béatitude suprême, parce qu’il n’est pas un bonheur expérimenté par les sens. C’est un état heureux de vrai soulagement par la libération des maux du renoncement. »

 Le Nibbâna n’est situé nulle part, il n’est pas non plus une sorte de paradis où réside un « ego » transcendant.  C’est un état que nous devons réaliser en nous, une connaissance intuitive à laquelle nous pouvons tous parvenir, dans cette vie même. Cette conception bouddhique du Nibbâna est à l’opposé des autres conceptions qui affirment qu’un paradis éternel ne peut être atteint qu’après la mort ou qu’une union avec un Dieu ou avec une Essence Divine ne peut être accomlie que dans l’Au-delà.

Quand il est réalisé dans cette vie même, le Nibbâna est appelé Sopâdisesa Nibbâna-Dhâtu. Dans le cas d’un Aranat qui atteint le Parinibbâna, après la désintégration de son corps, et sans que rien ne subsiste de son existence temporelle , le Nibbâna est appelé Anupâdisesa Nibbâna-Dhâtu.
                        «  S’ils prêchent que le Nibb$ana est la cessation,
                            Dites qu’ils mentent.
                            S’ils prêchent que le Nibbâna est la vie,
                            Dites qu’ils se trompent » (Sir Ewin Arnold)

Du point de vue métaphysique, le Nibbâna est la délivrance de la douleur. Du point de vue psychologique, le Nibbâna est la destruction de l’égoïsme. Du point de vue éthique le Nibbâna est l’extinction du désir ; de la haine et de l’ignorance.

« Le feu des passions n'existe pas pour celui qui a terminé son voyage, qui est délivrée de toute douleur, qui est complètement libéré, qui a détruit tout attachement. »
(Dhammapada)
L’Arahat-t-il après la mort ? Le Bouddha répondit : «L’Arahat qui s’est libéré des cinq agrégats, et profond, incommensurable comme le vaste océan. Dire qu'il renaît, cela n'est pas exact. Dire qu'il ne renaît pas, cela n'est pas exact. Dire qu'il existe après la mort, cela n'est pas exact. Dire qu'il n'existe pas après la mort, cela n'est pas exact ».
On ne peut pas dire qu'un Arahat renaît, car toutes les passions qui conditionnent la re- naissance ont été détruites. Ni qu'un Arahat est anéanti, car il n'y a rien à anéantir.

Le savant Robert Oppenheimer est écrit : « quand nous demandons, par exemple, si la position de l'électron reste la même, si nous devons dire un « sinon » quand nous demandons si la position de l'électron change avec le temps, nous devons dire « non » ; quand nous demandons si l'électron est au repos, nous devons dire « non » ; quand nous demandons s'il est en mouvement, nous devons dire « non ». »

« Le Bouddha donnait des réponses de ce genre, quand on l'interrogeait sur les conditions du « moi » de l'homme après sa mort. Mais se sonder et on se non conforme à la tradition de l'esprit scientifique du XVIIe et du XVIIIe siècle. »

En résumé, qu'est-ce que donc que le Nibbâna ? Cette question ne pourra jamais recevoir une réponse précise et satisfaisante. Le Nibbâna
ne peut être perçu par les cinq sens, il ne peut pas être décrit par le langage humain. Il est situé au-delà de la logique du raisonnement. Malgré toutes nos discussions spéculatives, nous ne saurons jamais en mesure de discerner sa vraie nature.

Le meilleur moyen de comprendre le Nibbâna
et de le réaliser, pendant nos efforts, dès maintenant, verseuse lutte qui reste encore cachée à nos yeux, d'avancer avec courage et constance sur le Chemin qui y mène, ce Chemin que le Bouddha a parcouru est qu'il a montré à ses disciples.
Puis, un jour, au bout du Chemin, apparaît le but suprême, clair, sûr, défini, aussi lumineux que la lune émergeant des nuages.

La Vérité Eternelle, la Réalité Ultime. L'Inconditionné, le Nibbâna est atteint.






 Chapitre 11

Le chemin qui conduit au Nibbâna


Le chemin qui conduit au Nibbâna est la voie Moyenne Majjhimâ patipadâ, appelée ainsi parce qu'elle évite deux extrêmes : l'un, l'abandon aux plaisirs sensuels, qui est « bas, grossier, vulgaire, peintures et sans profit » ; l'autre, l'abandon aux mortifications, qui est « douloureux, un pur et sans profit. »

« Rejetant ces deux extrêmes, le Tathâgata (celui qui est venu ainsi) a découvert la voie Moyenne qui donne la perception claire et la Connaissance, qui conduit à la paix, à la sagesse, à l'Eveil, au Nibbâna. » C’est le Noble Octuple qui est composé de huit facteurs :

-          La Compréhension Juste Sammâ Ditthi
-          La Pensée Juste Sammâ Samkappa
-          La Parole Juste Sammâ Vâcâ
-          L'Action Juste Sammâ Kammanta
-          Les Moyens d'Existence juste Sammâ Ajiva
-          L'Effort Juste Sammâ Vâyâma
-          L’Attention Juste Sammâ Sati
-          La Concentration Juste Sammâ Samâdhi

La voie moyenne, constituée par la Moralité Sîla, la concentration Samâdhi et la sagesse Panna, est résumé dans ces beaux vers :

« Sabba Pâpassa akaranam
Kusalassa upasampadâ
Sacitta pariyodapanam
Etam Buddhâna sâsanam »

« S'abstenir de faire le mal,
   Cultivez-le bien,
   Purifier son esprit,
   Tel est l'enseignement des Bouddhas. »

Le Noble Octuple Chemin qui constitue l'essence de l'enseignement du bouddha, est aussi un chemin de culture et de progrès intérieur.

La Moralité est la première étape sur le Chemin qui  mène au  Nibbâna.

Un bouddhiste ne tue pas et ne nuit à la vie d’aucun être vivant, il est bon et compatissant envers tous, y compris la plus petite des créatures qui rampe à ses pieds.

Il ne prend pas le bien d’autrui et pratique l’honnêteté et la droiture en toutes circonstances.

Il ne cède pas aux convoitises de la chair, pour ne pas avilir la noble nature de l’homme.

Il se garde du mensonge, car il doit être toujours sincère et digne de confiance.

Or il s'abstient de l'usage des boissons enivrantes des stupéfiants qui l'empêchent d'être sobre et diligent.
Un vrai bouddhiste est tenu d’observer ces principes éthiques fondamentaux dans sa vie quotidienne. Pour celui qui est déterminé à suivre l’Octuple Chemin de la paix, la non observance de ces principes crée des obstacles qui retarderaient sa marche vers la Délivrance.
Si les circonstances le permettent, le pèlerin spirituel peut progresser en observant trois ou cinq préceptes de plus.

Ainsi, aspirant vigilant, avance-t-il lentement et régulièrement, maître de ses paroles, de ses actes et de ses sens. Il se peut que sa force Kammique le pousse à renoncer aux plaisirs terrestres et à adopter la vie de l'ascète. Il pense alors que :
« Source de conflits est la vie de famille,
   Pleine de labeur et de soucis.
   Mais le libre est haute comme le ciel,
   la vie que les sans- foyer mènent

Cependant, il n'est pas nécessaire d'être un Bhikkhu pour pouvoir atteindre son but. Un Bhikkhu fait des progrès spirituels plus rapides, mais un disciple laïque a aussi toutes possibilités de devenir un saint.

Prenant fermement appui sur la Moralité, le pèlerin poursuit son chemin en abordant une pratique plus élevée, le Samâdhi, la discipline mentale qui constitue la deuxième et à sur le Chemin de la Pureté.

Le Samâdhi consiste à concentrer son esprit et à le garder fixer sur un seul point, à l'exclusion à tout autre. Parmi les différents sujets de méditation qui varie selon le tempérament de chaque individu, il y a la concentration sur la respiration, la plus facile, qui permet de discipliner l'esprit ; la méditation sur les Quatre Etats Sublimes Brahmavihâra : l'amour universel Mettâ, la compassion Karunâ, la joie sympathique Muditâ et l'équanimité Upekkhâ, qui apportent la paix de l'esprit et le bonheur. Ces Quatre Etats sont aussi appelés les Quatre Etats Illimitables, parce qu'ils sont dépensés nobles et purs adressés à tous les êtres vivants, sans limitation.
Après avoir soigneusement choisi le sujet de méditation qui lui convient le mieux, il s'efforce de fixer son attention sur ce sujet, jusqu'à s’y absorber si complètement que toutes les autres pensées s'effacent de son esprit.
Les cinq obstacles qui gênent sa progression, c'est-à-dire, les désirs sensuels, la haine, la paresse et l'indolence, l'agitation et les pensée harcelante, le doute, sont temporairement écartés. Finalement, il atteint à la concentration extatique, et à sa grande joie, il s'absorbe tant le Jhâna. Il peut alors jouir du calme et de la sérénité que donne une parfaite absorption méditative de l'esprit.
Arrivé à ce stade, il est capable de développer les Cinq Pouvoirs Supra Normaux qui sont l'Oeil Divin, l'Oreille Divine, le Souvenir des Existences passées, la Lecture des Pensés et divers Pouvoirs Psychiques. Toutefois il n'est pas indispensable de posséder ces pouvoirs supra normaux pour parvenir à la sainteté.

Il reste aux pèlerins à repousser définitivement les obstacles qui pourraient resurgir sur son Chemin, à détruire complètement les passions momentanément domptées par la Discipline et la Concentration ; à parvenir à la troisième et dernière étape, la Vision Pénétrante Vipassanâ Pannà, qui seule lui permet d'acquérir la parfaite connaissance de toutes choses et atteindre le But Ultime.

Avec son esprit bien discipliné et semblable maintenant à un miroir poli, il regarde le monde pour avoir une vue juste de la vie. Dans quelque direction qu'il tourne, il ne distingue nettement que les Trois Caractéristiques : l'Impermanence Anicca, la souffrance Dukkha et le Non-soi  Anatta. Il comprend qu'il n'y a rien qui ne soit conditionné par une cause ; que tout ce qui est conditionné et impermanent et que la vie est un perpétuel changement. Ni aux cieux ni sur la terre il n'existe de vrai bonheur, car tout plaisir dans son essence est source de souffrance, et est le prélude à la douleur. La souffrance provient de l'impermanence, et là où il y a changement et souffrance, il ne peut exister d'âme immortelle.

Il choisit alors une des Trois Caractéristiques et continue inlassablement à développer la Vision Pénétrante dans cette direction, jusqu'au glorieux où il entrevoit le Nibbâna, après s'être débarrassé des trois premières Entraves qui sont : l’Illusion du Soi, le Doute, la Croyance en l'efficacité des rites et cérémonies.

Il a ainsi atteint la première Etape de l'Emancipation conduisant à la Sainteté. Il est appelé un Sotâpanna - celui qui est entré dans le courant menant au Nibbâna. Comme il n'a pas brisé toutes les Entraves, il renaîtra encore sept fois tout au plus.

Cultivant encore plus profondément la Vision Pénétrante de la Sagesse, le Noble Pèlerin avance rapidement et atteint la deuxième Etape de l'Emancipation conduisant à la Sainteté. Il devient un Sakadâgami - celui qui reviendra une fois en rejetant progressivement deux Entraves de plus, c'est-à-dire les désirs sensuels et la Répulsion. Il ne retenait être à plus qu'une seule fois, au ras où il ne deviendra pas un Arahat.

C'est à la troisième Etape de l'Emancipation conduisant à la Sainteté qu'il devient un Anâgâmi - celui qui ne reviendra plus - est-il détruit complètement les deux Entraves susmentionnées. Par la suite, il ne reviendra plus sur cette terre et ne cherchera pas à renaître dans les royaumes célestes, car il n'a plus de désirs sensuels. Après sa mort, il renaîtra dans  les Pures Demeures Suddhâvâsa, jusqu'à ce qu'il devienne un Arahat.

Maintenant, encouragé par le succès de ses efforts, le Saint Pèlerin fait le reste du chemin, en détruisant les cinq dernières Entraves qui sont ! Le désir de vivre dans les Royaumes des Formes, le désir de vivre dans les Royaumes sans Formes, l’Orgueil, l’Agitation et l’Ignorance. Ayant atteint la quatrième et dernière Etape de l’Emancipation conduisant à la Sainteté, il devient un Saint, un Parfait, un Arahat.

Il sait alors que ce qui devait être accompli a été accompli, qu’il a détruit toutes les impuretés, qu’il s’est libéré d’un lourd fardeau de souffrances, qu’il a totalement anéanti toutes les formes d’attachement et d’ignorance, et qu’il a atteint le Nibbâna. Le parfait se tient à présent au-dessus des sommets célestes bien loin des passions tumultueuses et des souillures du monde. Il jouit de la béatitude indicible du Nibbâna, et comme les Arahats d’autrefois, il laisse entendre ce chant de joie :

« Volonté et Sagesse, esprit dompté par la discipline,
   Noble conduite fondée sur la Moralité,
   Purifient les mortels, ce que ne peuvent faire le rang ou la richesse

Comme le dit T. H. Huxley : « Le Bouddhisme est un système qui n’a pas de Dieu dans le sens où les Occidentaux le conçoivent qui nie l’existence d’une âme chez l’homme qui considère que la croyance en l’immortalité est une erreur, qui refuse de croire à l’efficacité des prières et des sacrifices qui recommande aux hommes de ne compter que sur leurs propres efforts pour parvenir à la libération, qui dans sa pureté originelle, ne comportait pas de vœux d’obéissance et ne recherchait pas l’aide du bras séculier, mais qui cependant, demeure encore la croyance dominante d’une large fraction de l’humanité. »



 Appendice

Concentration sur la respiration

(Anâpâna Sati)


Anâpâna Sati est l’attention sur le processus de la respiration Ana signifie inspiration Apâna expiration :
Le Bouddha pratiquait la concentration sur la respiration avant d’atteindre l’Eveil.
Cette concentration de l’esprit est une méthode simple qui peut être pratiquée par chacun, qu’elles que soient ses convictions religieuses.
Prenez une posture commode et tenez-vous droit. Placez la main droite sur la main gauche. Les yeux sont clos ou mi-clos.
En général les Occidentaux s’assoient les jambes croisées et le corps droit, ils placent le pied droit sur la cuisse gauche et le pied gauche sur la cuisse droite. Ceci constitue la position complète. Parfois ils  adoptent la demi-position en plaçant le pied droit sur la cuisse gauche ou le pied gauche sur la cuisse droite.
La position triangulaire donne un équilibre parfait à tout le corps.
Ceux qui trouvent la position jambes croisées trop difficile peuvent s’asseoir confortablement sur une chaise ou tout autre siège assez haut et laisser leurs pieds reposer sur le sol
La posture n’a pas d’importance pourvu qu’elle soit détendue.
La tête ne doit pas être penchée, le cou doit être droit pour que le nez forme une ligne perpendiculaire avec le nombril.
Avant de commencer l’exercice, rejeter lentement l’air vicié par la bouche puis, fermez-la.
Maintenant, inspirez par les narines, normalement, sans effort. Mentalement, comptez UN. Expirez et comptez DEUX. Inspirez et comptez TROIS  Comptez jusqu’à DIX, en continuant à vous concentrer sur la respiration, sans penser à rien d’autre. Votre esprit peut s’évader, mais ne vous découragez pas. Vous pouvez augmenter progressivement le nombre de séries par exemple cinq séries de dix.
Ensuite vous pouvez inspirer puis vous arrêter un moment, en vous concentrant seulement sur l’inspiration, sans compter. Expirer puis arrêtez-vous un moment. Continuez toujours à inspirer et à expirer en vous concentrant sur votre respiration. Certains préfèrent compter : ce faisant, ils fixent mieux leur attention. D’autres préfèrent ne pas compter. Ce qui est essentiel, c’est la concentration mai non le fait de compter qui est secondaire.
Quand vous pratiquez cette concentration, vous vous sentez paisible et calme, l’esprit et le corps léger. Après un certain temps de pratique, vous vous apercevrez un jour que ce qu’on appelle corps est entretenu par le souffle et par rien d’autre, et que le corps périt quand le souffle cesse. Ainsi vous vous rendez compte de la loi de l’impermanence. Là où il y a changement, il ne peut exister d’entité permanente ou d’âme immortelle.
Le but de l’attention sur la respiration est d’acquérir d’abord la concentration de l’esprit, ensuite de développer la Vision Pénétrante qui permet de se libérer de la souffrance et de parvenir à l’état d’Arahat.
Dans certains discours, cette méthode est décrite de la manière suivante :
« Attentivement, il inspire ; attentivement, il expire. »
1 – Quand il inspire lentement, il sait : « J’inspire lentement ». Quand il expire lentement, il sait : « J’expire lentement »
2 – Quand il inspire rapidement, il sait « J’inspire rapidement » . Quand il expire rapidement, il sait : « J’expire rapidement »
3 – Comprenant clairement le processus de la respiration (c’est-à-dire le début, le milieu et la fin ) « J’inspire » : ainsi s’entraîne-t-il. Comprenant clairement le processus de la respiration, « J’expire » : ainsi s’entraîne-t-il.
4 – Respirant calmement « J’inspire » : ainsi s’entraîne-t-il. Respirant calmement « J’expire » : ainsi s’entraîne-t-il.
Méditation sur l’amour universel

(  Mettâ)

Soyez calme et paisible. 
-    Récitez trois fois : Namo Buddhâya  (Honneur au Bouddha)
-          Récitez : Buddham saranam gacchâmi ( je cherche refuge en Bouddha)
-          Sangham saranam gacchâmi (je cherche refuge dans le Sahngha)
Pensez ainsi :
-          Mon esprit est pur, lavé de toute souillure, libéré du désir égoïste, de la haine et de l’ignorance ; débarrassé de toute pensée mauvaise.
-          Mon esprit est pur et propre. Mon esprit est sans tache comme un miroir poli.
-          Comme un récipient propre et vide est rempli d’eau pure, je remplis maintenant mon cœur et mon esprit de pensées paisibles et pures d’amour universel, de compassion débordante, de joie sympathique et de parfaite équanimité.
-          J’ai maintenant débarrassé mon esprit et mon cœur de la colère, de la répulsion, de la cruauté, de la violence et de la jalousie, de l’envie, de la passion et de l’aversion.
Pensez dix fois :
-          Que je sois en bonne santé et heureux !
-          Que je sois délivré de la souffrance, de la maladie, du chagrin, des tracas et des soucis, de la colère !
Pensez ainsi : Je charge chaque particule de mon être, de la tête aux pieds, de pensées d’amour universel et de compassion, je suis l’amour universel et la compassion. Tout mon corps est imprégné d’amour universel et de compassion. Je suis une place forte, une forteresse d’amour universel et de compassion. Je ne suis qu’amour universel et compassion. Je suis devenu pur, grand, noble.
Pensez dix fois :
-          Que je sois en bonne santé et heureux !
-          Que je sois libéré de la souffrance, de la maladie, du chagrin, des tracas et des soucis, de la colère !
-          Que je sois fort, confiant en moi-même, en bonne santé et paisible !
Pensez ainsi :
-          Mentalement je crée une aura d’amour universel autour de moi. Par cette aura, je rejette toutes les pensés négatives et les vibrations hostiles. Je ne ressens pas les mauvaises vibrations des autres. Je rends le bien pour le mal, l’amour universel pour la colère, la compassion pour la cruauté, la joie sympathique pour la jalousie. Je suis paisible et mon esprit est bien équilibré.
-          Maintenant, je suis une forteresse d’amour universel, une place forte de moralité.
-          Ce que j’ai acquis, je le donne maintenant aux autres.
Pensez à tous ceux qui vous sont proches et chers, aux membres de votre famille, individuellement et collectivement. Remplissez-les de pensées d’amour universel et souhaitez-leur la paix et le bonheur en répétant  que tous soient en bonne santé et heureux !… Ensuite pensez à tous les êtres visibles ou invisibles, proches ou lointaine, hommes, femmes, enfants et animaux, à tous les êtres vivant qui sont à l’est, à l’ouest, au nord, au sud, au-dessus et au-dessous et faites rayonner sans inimité et sans limite votre amour universel vers tous, sans distinction de classe, de croyance, de race ou de sexe.
Pensez que vous êtes tous frères et sœurs, compagnons errant sur l’océan de la vie. Vous vous identifiez à tous. Vous êtes un avec eux.

Au cours de votre vie quotidienne, essayez de mettre ces pensées en pratique chaque fois que vous le pouvez.



  


Perfections

(Pârami)

1 – Que je sois généreux et serviable ! (Dâna-générosité)
2 – Que je sois maître de moi et de manières irréprochables !
            Que je sois pur et propre dans tout ce que je fais !
Que mes pensées mes paroles et mes actes soient purs ! ( Silâ-Moralité)
Que je puisse renoncer à mes plaisirs pour l’amour des autres ( Renoncement)
Que je sois sage et capable de voir la vraie nature des choses !
Que je vois la lumière de la Vérité pour conduire les autres de l’obscurité vers la lumière !
Que je sois éclairé pour éclairer les autres !
Que je puisse faire profiter les autres de ma connaissance ! (Pana-Sagesse)
5 - Que je sois énergique, fort et persévérant !
Que je fasse des efforts inlassables pour atteindre mon but !
Que j’affronte les dangers sans peur et que je surmonte tous les obstacles avec courage !
Que je serve les autres de mon mieux ! (Viriya-Energie)
6 – que je sois toujour spatient !
que je sois indulgent pour les fautes des autres ! que je sois tolérant et voie ce qui est bon et beau chez les autres (Khanti-Patience)
7 – que je sois toujours droit et honnête !
Que je ne cache pas la vérité par politesse !
que je ne m’écarte jamais du chemin de la Vérité (Sacca-Véracité)
8 – Que je sois ferme et résolu, et que j’aie une volonté de fer.
Que je sois doux comme une fleur et ferme comme un roc !
Que je possède toujours de nobles principes ! (Adhittâna-Détermination)
9 – Que je sois toujours généreux, amical et plein de compassion !
Que je puisse considérer tous comme mes frères et soeurs, et être un avec eux ! (Mettâ-Amour universel)
10- Que je sois toujours calme, serein, inébranlable et paisible !
Que je possède un esprit bien équilibré !
Que je possède une parfaite équanimité (Upekhâ-Equanimité)
Que je serve pour être parfait !
Que je sois parfait pour servir !















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